V - L'activité contentieuse
1. LES RÈGLEMENTS DE DIFFÉRENDS
2. LES DÉCISIONS DU CONSEIL D’ÉTAT
Légalité de la recommandation du CSA en vue de l’élection présidentielle, et refus de transmission au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité
L’applicabilité à la télévision numérique des critères d’attribution des autorisations en radio et en télévision analogique
Avis émis par le CSA en application de l’article 42-12 de la loi du 30 septembre 1986 : objet et voies de recours
Impossibilité de conventionner une société éditant un service, utilisant d’autres fréquences que celles assignées par le Conseil,consacré à l’œnologie et la viticulture
Contribution des éditeurs de télévision à la production audiovisuelle : bilan annuel du CSA, qui n’est pas tenu de mettre un éditeur en demeure en cas de manquement
Le contentieux relatif aux décisions du CSA rejetant ou autorisant des services radiophoniques
3. LES ORDONNANCES DE RÉFÉRÉ DU CONSEIL D’ÉTAT
4. Un arrÊt de la Cour administrative d’appel de Paris
5. DEUX ORDONNANCES DU JUGE DES RÉFÉRÉS DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE FORT-DE-FRANCE
Au titre de sa compétence de règlement des différends, le CSA a statué, en 2012, sur la demande dont il avait été saisi l’année précédente par la société Parabole Réunion. En fin d’année, il a été saisi d’une nouvelle demande, relative au refus de contracter opposé par un éditeur de services de télévision à un distributeur de services audiovisuels sur internet.
L’année 2012 a, par ailleurs, été marquée par une activité contentieuse toujours soutenue.Le Conseil d’État a en effet rendu soixante-deuxdécisionsintéressant directement le CSA qui a également présenté ses observations dans le cadre de trois autres procédures, jugées en cours d’année, relatives à des décisions émises par l’Autorité de la concurrence dans le secteur de la télévision payante (sur lesquellesle Conseil avait préalablement émis un avis).Un arrêt de la cour administrative d’appel de Paris a,en outre, été rendu dans le cadre d’une requête indemnitaire d’un éditeur de service de télévision, et deux ordonnances de référé ont été prises par le juge compétent du tribunal administratif de Fort-de-France.Cinquante-neuf desdécisions du Conseil d’État ontrejeté les demandesdontla juridiction était saisie : outre vingt-trois ordonnances de désistement ou d’irrecevabilité manifeste, ces décisions concernent une question prioritaire de constitutionnalité et quatre demandes en référé, ainsi que trente et une affaires jugées « sur le fond » (vingt-six en matière radiophonique, quatre relatives à des services de télévision, et une se rapportant à la légalité d’une recommandation du Conseil en matière électorale). Les décisions de la cour d’appel et du juge des référés du tribunal administratif précités ont également rejeté les requêtes dont ces juridictions étaient saisies.Trois décisionsdu Conseil d’Étatont, à l’inverse, prononcé l’annulation de décisions du Conseil,relatives, d’une part, à certains rejets de candidatures présentées dans le cadre d’un appel à concurrence en matière radiophonique et, d’autre part, au conventionnement de deux services de télévision n’utilisant pas de fréquences assignées par le Conseil.
1. LES RÈGLEMENTS DE DIFFÉRENDS
DÉCISION N° 2012-399 DU 22 MAI 2012 RELATIVEÀUN DIFFÉREND OPPOSANT LES SOCIÉTÉS PARABOLE RÉUNION ET EQUIDIA
Le Conseil a examiné une demande de règlement de différend du 7 octobre 2011 opposant les sociétés Parabole Réunion et la chaîne Equidia, devenue Equidia Live au mois de septembre 2011. Le différend portait sur le refus opposé à Parabole Réunion par Equidia et le groupement d’intérêt économique Paris Mutuel Urbain (GIE PMU) de renouveler le contrat de distribution de la chaîne Equidia, conclu le 22 novembre 2001, sur les territoires de La Réunion, de Mayotte, de Madagascar et des Seychelles.
Le 18 juillet 2011, la société Canal+ Réunion d’une part, et la société Equidia et le GIE PMU d’autre part, avaient conclu un contrat de distribution de la chaîne Equidia Live à titre exclusif sur les réseaux satellitaires qui est entré en vigueur le 1er novembre 2011.
La société Parabole Réunion avait demandé au CSA d’enjoindre à Equidia de lui adresser une proposition commerciale de distribution de la chaîne Equidia Live présentant un caractère objectif, équitable et non discriminatoire, dans un délai aussi bref que possible, de nature à limiter sa perte d’abonnés.
Le 22 mai 2012, le CSA a rejeté la demande de la société Parabole Réunion.Il a notamment considéré qu’Equidia et le GIE PMU retiraient un avantage économique du contrat d’exclusivité satellitaire conclu avec la société Canal+ Réunion et que cet avantage constituait une justification objective à la rupture de leur relation commerciale avec la société Parabole Réunion.
Le CSA a également estimé que si l’arrêt de la diffusion de la chaîne Equidia Live par la société Parabole Réunion était préjudiciable à cette dernière, elle n’établissait pas que ce préjudice était de nature à déstabiliser son économie ni, a fortiori, qu’il présentait un caractère inéquitable.
Le CSA n’a pas non plus conclu au caractère discriminatoire de la rupture de la relation commerciale. En effet, eu égard au principe de liberté contractuelle, la société Equidia pouvait librement conclure un contrat d’exclusivité avec un distributeur satellitaire.
Enfin, il a considéré que si l’arrêt de la diffusion de la chaîne Equidia Live constituait un facteur de diminution de la qualité et de la diversité des bouquets commercialisés par la société Parabole Réunion, cette interruption ne portait pas atteinte à la qualité et à la diversité des programmes proposés au public. À cet égard en effet, l’avantage économique dont bénéficie la chaîne Equidia au titre du contrat d’exclusivité satellitaire qu’elle a conclu avec la société Canal+ Réunion est susceptible de contribuer à une augmentation de la qualité de la chaîne Equidia Live.
2. LES DÉCISIONS DU CONSEIL D’ÉTAT
Légalité de la recommandation du CSA en vue de l’élection présidentielle, et refus de transmission au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité
CE 5/4 SSR, 16 FEVRIER 2012 (QPC) ET 15 MARS 2012, M. B., N° 356527 ; JRCE, ORD., 6 FEVRIER 2012, M. B., N° 356394
Par décision du 15 mars 2012, le Conseil d’État a rejeté le recours de M. Patrick B., tendant à l’annulation de la recommandation du CSA n° 2011-3 du 30 novembre 2011 à l’ensemble des services de radio et de télévision concernant l’élection du Président de la République.
À l’appui de sa requête, le requérant avait en outre demandé le renvoi au Conseil constitutionnel la question de la constitutionnalité du I de l’article 3 de la loi du 6 novembre 1962 qui subordonne la validité des candidatures à ce scrutin à leur présentation par au moins 500 citoyens élus.
Par un arrêt du 16 février 2012, la Haute juridiction a d’abord rejeté cette demande,considérant que les dispositions de la loi du 3 novembre 1962 n’étaient pas applicables à son litige. En effet, la recommandation du CSA a été prise pour l’application de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, non de la loi du 6 novembre 1962, et « se borne à se référer à la liste établie par le Conseil constitutionnel en vertu du I de l’article 3 de cette dernière loi pour fixer à la date de publication de cette liste le début d’une seconde période préalable à la campagne électorale […], et pour disposer qu’à compter de cette date, sont regardés comme candidats […] les seuls candidats figurant sur la liste ». Dès lors, « il n’existe aucun lien entre les conditions posées par le I de l’article 3 de la loi du 6 novembre 1962 pour l’inscription sur cette liste et les prescriptions de la recommandation ».
Pour les mêmes motifs d’inapplicabilité au litige de la loi du 3 novembre 1962, l’arrêt du 15 mars 2012 a jugé en premier lieu inopérant le moyen tiré de l’incompatibilité de cette loi avec les stipulations de l’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques aux termes duquel « tout citoyen a le droit et la possibilité […] de voter et d’être élu ».
En deuxième lieu, le Conseil d’État arelevé que le dispositif issu de la recommandation du CSA ne porte pas atteinte à l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinionet permet d’assurer un traitement équitable des candidats à l’élection présidentielle.
En dernier lieu, la Haute juridiction a souligné que, compte tenu des contraintes techniques de programmation, du caractère national de l’élection et du nombre potentiellement élevé de postulants, l’absence dans la recommandation de modalités de nature à garantir à chacune des personnes susceptibles d’émettre le souhait d’être candidat un accès effectif à l’antenne ne révèle aucunement que le CSA aurait failli dans l’exercice de la mission que le législateur lui a confiéeafin d’assurer le respect du pluralisme dans les médias audiovisuels.
Il faut enfin noter que le même requérant avait, préalablement à ces deux procédures, saisi le juge des référés du Conseil d’État, sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, d’une demande tendant à ce qu’il soit ordonné au CSA de lui communiquer dans les plus brefs délais les relevés de temps d’antenne et de parole transmis à l’autorité de régulation par les services de radio et de télévision. Cette demande avait été rejetéedès lors que la condition d’utilité de la mesure demandée par le requérant n’était manifestement pas remplie. De fait, les informations dont il demandait la communication avaient vocation à être mises en ligne sur le site internet du CSA, auquel le requérant n’avait d’ailleurs pas fait valoir l’impossibilité d’y accéder.
L’applicabilité à la télévision numérique des critères d’attribution des autorisations en radio et en télévision analogique
CE 5/4 SSR, 12 MARS 2012, ASSOCIATION TÉLÉ LILLE, N° 329387
Par cette décision, le Conseil d’État a précisé les critères sur lesquels le CSA doit se fonder pour autoriser, au titre de l’article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, l’usage de fréquences radioélectriques pour la diffusion de services de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique.
Au terme d’un appel à candidatures lancé le 19 février 2008, le CSA avait autorisé la société Grand Lille TV à exploiter un service privé de télévision à vocation locale en mode numérique sur la zone de Lille et avait rejeté la candidature de l’association Télé Lille. Cette dernière avait alors demandé au Conseil d’État d’annuler la décision d’autorisation délivrée à la société Grand Lille et le refus d’autorisation qui lui avait été opposé.
Elle invoquait notamment la méconnaissance par le CSAde l’obligation de veiller à ce qu’une « part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission de communication sociale et de proximité », inscrite à l’article 29 al. 14 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée. La question de l’opposabilité de cette exigence caractéristique des radios à autorisation de TNT se posait dès lors que l’article 30-1 dispose que « le Conseil supérieur de l’audiovisuel(…) accorde les autorisations d’usage de la ressource radioélectrique en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public au regard des impératifs prioritaires et des critères mentionnés aux articles 29 [autorisation de fréquence pour des services de radio analogique] et 30 [autorisations de fréquence pour des services de télévision analogique] ».
Le Conseil d’État a jugé que cette l’obligation de l’article 29 al. 14, que l’article 30 ne faisait pas peser sur les autorisations de service de télévision en mode analogique, ne pouvait a fortiori s’appliquer aux autorisations de service de télévision en mode numérique.Son arrêt considère en effet « qu'en prévoyant à l'article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986 que le Conseil supérieur de l'audiovisuel délivre les autorisations relatives aux services de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique "en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public au regard des impératifs prioritaires et des critères mentionnés aux articles 29 et 30, le législateur a entendu se référer à ceux des impératifs et critères qui sont prévus à l'article 29 pour les services radiophoniques, que l'article 30 rend applicables aux services de télévision en mode analogique ; qu'il a ainsi rendu applicables aux services de télévision en mode numérique les dispositions du sixième alinéa de l'article 29 et celles des septième à douzième alinéas (1° à 5°) du même article. »
Dès lors, les critères de l’article 29 qu’il appartient au CSA de prendre en compte pour la délivrance des autorisations de service de TNT sont ceux qu’il lui appartenait de prendre en compte pour la délivrance des autorisations de service de télévision hertzienne en mode analogique. Il s’agit deceux tirés des impératifs de sauvegarde du pluralisme, de diversification des opérateurs et de libre concurrence(art. 29, al. 6), de l’expérience acquise dans les activités de communication (art. 29, al. 7) et de la contribution à la production locale de programmes (art. 29, al. 12).
Le critère tiré de l’obligation de réserver une part suffisante de la ressource aux services édités par des associations ne s’applique donc pas à la sélection de servicesde télévision diffusés par voie hertzienne en mode numérique.
Avis émis par le CSA en application de l’article 42-12 de la loi du 30 septembre 1986 : objet et voies de recours
CE 5/4 SSR, 24 AVRIL 2012, SOCIÉTÉ PARISII IMAGES, N° 342589
L’article 42-12 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communicationprévoit que, lorsque la cession d’une entreprise titulaire d’une autorisation d’usage d’une fréquence est envisagée dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le tribunal de commerce compétent peut, à la demande du procureur de la République et après que ce dernier a obtenu l’avis favorable du CSA, autoriser la conclusion d’un contrat de location-gérance durant lequel son titulaire bénéficiera du droit d’exploiter la fréquence – le Conseil décidant (ou refusant) ensuite de lui délivrer, hors appel à candidatures, une autorisation pérenne d’exploitation.
Par cette décision du 24 avril 2012, le Conseil d’État s’est prononcé sur l’objet de cet avis du CSA, et sur les voies de recours ouvertes à son encontre.
La Haute juridiction souligne que cet avis « a pour objet d’identifier les candidats à la reprise d’un service audiovisuel dont les projets présentent un intérêt suffisant au regard des critères fixés » par la loi de 1986, notamment son article 29. Il ne s’agit donc pas pour le Conseil d’apprécier l’intérêt des projets de reprise uniquement « au regard des choix opérés lors de l’attribution de l’autorisation à l’éditeur dont la reprise est envisagée ».
Elle précise par ailleurs qu’un tel avis « peut faire l’objet, devant le Conseil d’État, tant d’une question préjudicielle du juge saisi de la procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire […] que d’un recours direct de toute personne y ayant intérêt, le cas échéantassorti d’une demande de suspension ».
Mais ce recours direct n’est recevable, lorsqu’il est dirigé contre un avis défavorable du CSA ou un avis favorable non retenu par le tribunal de commerce, que jusqu’à la date à laquelle la décision de ce dernier autorisant la conclusion d’un contrat de location-gérance devient définitive.Passé ce délai, seul le recours dirigé contre l’avis favorable donné par le CSA au projet de reprise retenu par le tribunal de commerce conserve un objet – et ce, jusqu’à ce qu’une autorisation pérenne d’exploitation soit délivrée en propre par le Conseil au locataire-gérant.
Le Conseil d’État précise enfin que l’annulation éventuelle de cet avis favorable conduirait à la mise en œuvre du deuxième alinéa de l’article 42-12, c'est-à-dire la résiliation du contrat de location-gérance et la résolution du plan de redressement.
En l’espèce,le Conseil d’État a constaté que la requête de la société Parisii Images, candidate à la reprise de la société IDF Télé, qui éditait le service Cap 24 en région parisienne mais à laquelle le CSA a opposé un avis défavorable, avait été présentée alors que le jugement du tribunal de commerce était devenu définitif, de sorte qu’elle « était dépourvue d’objet [et donc irrecevable] en ce qu’elle était dirigée contre les avis défavorables [du CSA] et contre les avis favorables [de ce dernier relatifs] aux trois candidats à qui le tribunal de commerce n’a pas accordé l’autorisation de conclure de contrat de location-gérance ».En revanche, cette requête était recevable « en tant qu’elle [était] dirigée contre l’avis favorable [émis par le Conseil] à l’offre de la société Nextradio TV ». Elle a donc été examinée dans cette limite et rejetée, aucun des moyens développés par la requérante n’étant fondé.
Impossibilité de conventionner une société éditant un service, utilisant d’autres fréquences que celles assignées par le Conseil,consacré à l’œnologie et la viticulture
CE 5/4 SSR, 11 JUILLET 2012, SOCIÉTÉ MÉDIA PLACE PARTNERS, N° 351253
En application de l’article 33-1 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, les opérateurs qui souhaitent exploiter un service de télévision ou de radion’utilisant pas de fréquence assignée par le CSA, doivent néanmoins conclure avec ce dernier une convention définissant leurs obligations particulières dans le cadre de cette exploitation. C’est à ce titre que la société Deovino avait formulé une demande de conventionnement d’un service éponyme, consacré à l’œnologie et à la viticulture, que le Conseil a accueillie.
Saisi d’une requête en annulation de cette décision du CSA, le juge administratif a rappelé que l’article L. 3323-2 du code de la santé publique prohibe la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques à la télévision. Par suite, la convention conclue avec un servicequi est intégralement consacré au vin et à la viticulture et vise à en présenter les mérites et les attraits est illégale, dès lors que la nature même d’un tel service impliquerait une violation de cette interdiction - ce quand bien même le Conseil avait veillé à ce que ladite convention contienne des conditions restrictives tendant au respect des dispositionsenvisagées du code de la santé publique.
CE 5/4 SSR, 11 JUILLET 2012, SOCIÉTÉ MÉDIA PLACE PARTNERS, N° 351159
Parallèlement à la demande précitée de conventionnement du service Deovino, la société Média Place Partners, éditrice d’un service comparable intitulé Edonys TV, avait également sollicité auprès du Conseil la conclusion d’une convention sur le fondement de l’article 33-1 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
Estimant que le service en cause, eu égard au contenu de certaines émissions, aurait eu pour effet de contrevenir aux dispositions susmentionnées du code de la santé publique, le Conseil avait refusé de conclure, en l’état du projet qui lui était soumis, une convention avec cet éditeur.
Mais cette décision a également été censurée par la Haute juridiction qui a rappeléque les membres du CSA en charge d’un dossier et appelés à participer à la prise de décision ne peuvent, sans méconnaître l’article 5 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, tenir publiquement des propos défavorables à l’égard d’un candidat dont la demande est en cours d’examen. Le juge n’a cependant pas remis en cause la possibilité pour les membres du Conseil, dans le cadre de leur fonction, de s’exprimer sur les travaux en cours de l’autorité de régulation lorsqu’ils y sont invités en exposant, par des déclarations générales, la méthode du travail suivie devant le CSA et son déroulement (voir en ce sens, CE, Sect., 30 décembre 2011, Société Métropole Télévision, n° 338273).
Contribution des éditeurs de télévision à la production audiovisuelle : bilan annuel du CSA, qui n’est pas tenu de mettre un éditeur en demeure en cas de manquement
CE 5/4 SSR, 26 NOVEMBRE 2012, UNION SYNDICALE DE LA PROMOTION AUDIOVISUELLE ET SYNDICAT DES PRODUCTEURS DE FILMS D’ANIMATION, N° 349529, 249530 ET N° 347956
Au titre des obligations auxquelles ils sont soumis, les éditeurs de services de télévision doivent notamment contribuer au développement de la production, en tout ou partie indépendante à leur égard, d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles. Prévue par l’article 27 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, cette obligation est précisée par un décret d’application du 21 octobre 2009.
Chaque année, les éditeurs concernés doivent justifier de l’accomplissement de leurs obligations auprès du CSA, qui arrête ainsi leur bilan annuel. Au titre de l’année 2009, le bilan de la société Métropole Télévision pour son service M6 faisait ressortir l’inobservation de ses obligations de contribution à la production d’œuvres patrimoniales, de productions indépendantes et d’œuvres d’expression française.
L’Union syndicale de la promotion audiovisuelle et le Syndicat des producteurs de films d’animation ont demandé au Conseil d’État d’annuler ce bilan, ainsi que les décisions par lesquelles le CSA a refusé de donner suite à leur demande tendant à ce que la société Métropole Télévision soit mise en demeure de respecter à l’avenir lesdites obligations.
Par deux décisions lues le 26 novembre 2012, le Conseil d’État a rejeté l’ensemble de ces recours.
- Il a, par la première d’entre elles, considéré que le bilan du service M6 pour l’année 2009 établi par le CSA ne constitue pas, contrairement à ce que soutenaient les requérants, une « approbation sans réserve » dudit exercice : ce document, par lequel le CSA a constaté le manquement de la société Métropole Télévision à ses obligations de contribution à la production, ne préjugeait en rien de la suite qui pourrait être donnée audit manquement. Aussi, le Conseil d’État a rejeté comme irrecevables les conclusions des requérants, qui entendaient obtenir l’annulation de ce bilan en tant qu’il aurait selon eux constitué une décision du CSA de ne pas mettre en œuvre les pouvoirs de mise en demeure et de sanction qu’il tient de la loi.
- Dans sa seconde décision, le Conseil d’État a rappelé que les articles 3-1 et 42 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée n'ont pas pour effet d'obliger le CSA, qui dispose d'autres moyens pour conduire les éditeurs à respecter les obligations de production qui leur sont imposées, à adresser à ceux-ci une mise en demeure lorsqu'il est saisi d'une telle demande, par exemple par un syndicat, en application du 3e alinéa de l'article 42 de la loi. Ces dispositions laissent, en effet, au CSA le soin d'apprécier si, compte tenu des circonstances et de la nature des manquements constatés, il y a lieu de prendre immédiatement une telle mesure.
Et la Haute juridiction a constaté, en l’espèce, que c’est sans commettre d’erreur de droit ou d’appréciation que le CSA a tenu compte, pour décider de ne pas mettre la société Métropole Télévision en demeure, d'une part, de la publication tardive du décret du 21 octobre 2009 fixant de nouveaux niveaux de contribution et, d'autre part, du fait que, si le service M6 n'avait pas atteint ses quotas d'œuvres patrimoniales indépendantes et d'œuvres d'expression originale française en 2009, sa société éditrice avait au cours de cette année contribué à hauteur de 16,3 % de son chiffre d'affaires au financement d'œuvres audiovisuelles alors qu'elle n'était tenue qu'à une obligation de 15 %.
Le contentieux relatif aux décisions du CSA rejetant ou autorisant des services radiophoniques
Quarante-cinq des décisions rendues par le Conseil d’État en 2012 se rapportent à des requêtes contestant la légalité de décisions du CSA ayant rejeté ou retenu la candidature de sociétés ou d’associations pour l’exploitation de services radiophoniques – ainsi, plus rarement, que la liste de présélection précédant ces décisions, ou encore des décisions du Conseil refusant ou accordant une modification de convention.À l’exception de l’une d’elles, par laquelle la Haute juridiction a invalidé trois des rejets opposés par le CSA à la candidature d’un éditeur radiophoniqueà la suite d’une erreur de fait commise dans leur rédaction, l’ensemble de ces requêtes a été rejeté.
Trois arrêts de cette rubrique attirent l’attention. Les deux premiers apportent des précisions au régime des recours dirigés simultanément, au terme d’un appel à candidatures, contre la décision de refus opposée à un candidat et la décision favorable adressée à un de ses concurrents. Le troisième éclaire les conditions dans lesquelles, à la demande du Gouvernement, Radio France et ses filiales répondant à des obligations de service public peuvent bénéficier d’une attribution prioritaire de fréquences par le CSA.
CE 5/4 SSR, 15 JUIN 2012, SOCIÉTÉ VORTEX ET RADIO TOTEM, N° 343530 ET N° 351892
Par ces deux décisions, le Conseil d’Étata rappelé dans quelles conditions un candidat évincé d’un appel à candidatures peut se prévaloir, à l’appui d’un recours exercé en temps utile contre la décision rejetant sa candidature, de l’illégalité d’une décision d’autorisation délivrée à un autre candidat dans le cadre du même appel.
La Haute juridiction a considéré que « lorsqu’un refus d’autorisation […] est fondé sur une comparaison entre l’intérêt du projet écarté et celui des projets retenus, et non sur un motif étranger à toute comparaison, tel que l’irrecevabilité de la candidature, le candidat concerné peut, à l’appui de son recours contre ce refus, invoquer utilement l’illégalité d’une autorisation délivrée dans la même zone dans le cadre du même appel ». Elle précise « qu’une telle exception d’illégalité n’est toutefois recevable que si, à la date à laquelle elle est invoquée, l’autorisation concernée n’est pas devenue définitive. »
Bien que les décisions d’autorisation d’émettreet de rejet d’une candidature soient des décisions individuelles distinctes, le Conseil d’État admet ainsi qu’un requérant puisse se prévaloir, à l’appui de son recours dirigé contre le rejet de sa candidature, de l’illégalité de décisions d’autorisation d’émettre délivrées dans la même zone et à l’occasion d’un même appel, si ces dernières ont justifié le rejet de sa candidature.Mais la recevabilité du moyen tiré d’une telle exception d’illégalité est subordonnée au caractère non définitif de la décision d’autorisation en cause. En effet, si, à l’égard des actes réglementaires, l’exception d’illégalité est perpétuelle, elle n’est recevable, à l’égard des actes non réglementaires, que tant qu’ils ne sont pas devenus définitifs. Il n’en va autrement qu’en cas « d’opération complexe », c’est-à-dire lorsque l’intervention de la décision dont on entend exciper l’illégalité a été nécessaire à la décision déférée (CE, 17 décembre 2003, CNFPT, n° 253261).
En l’espèce, le Conseil d’État a implicitement considéré que les décisions d’autorisation d’émettre et de rejet de candidatures pour l’exploitation d’une fréquence ne forment pas une opération complexe. Un requérant ne peut donc exciper de l’illégalité de la décision d’autorisation accordée à un concurrent que dans le délai de recours contentieux ouvert contre celle-ci. Par conséquent, si, en l’espèce, les requérantes pouvaient notamment soutenir, à l’appui de leurs recours contre les décisions rejetant leur candidature, que les dossiers de candidature présentés pour des services concurrents finalement autorisésétaient incomplets, le Conseil d’État a cependant considéré que cette exception d’illégalité était irrecevable dès lors que les décisions d’autorisation dont l’illégalité prétendue était excipée étaient devenues définitives.
CE 5/4 SSR, 26 NOVEMBRE 2012, SIRTI ET SARL 100 % RADIO ET AUTRES, N 347030 ET N° 347721
Par cette décision, le Conseil d’État a tranché une affaire dont il avait auparavant été saisi à titre consultatif et par une question prioritaire de constitutionnalité (voir Rapport annuel 2011 du CSA).
Dans le cadre de ce contentieux, le Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes (SIRTI) et certaines radios indépendantes demandaient l’annulation d’unedécision du 15 février 2011 par laquelle le CSA a attribué en priorité une autorisation d’usage de la ressource sur la zone de Toulouse à la société nationale de programme Radio France, sur le fondement de l’article 26 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
Dans sa décision du 26 novembre 2012, la Haute juridiction a considéré, en premier lieu, que les pouvoirs que le CSA tient de ces dispositions doivent être combinés avec les missions qui lui sont confiées par la loi, notamment « celles de favoriser la libre concurrence et d’assurer le respect de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion », et conciliés« avec le respect des règles relatives à la concurrence
applicables dans l’Union européenne ». Le Conseil, saisi d’une demande sur ce fondement, ne saurait donc, en particulier, s’exonérer d’un examen de la demande au regard de l’impératif prioritaire de sauvegarde du pluralisme.
En second lieu, le Conseil d’Étata précisé que, pour mettre en œuvre l’article 26, le CSA doit vérifier que plusieurs conditions sont remplies : le service radiophonique doit se rattacher aux missions de service public d’une société nationale de programme ; sa réception ne doit pas être possible dans la zone par un simple réaménagement de fréquences ; et l’attribution prioritaire de l’autorisation d’usage sollicitée ne doit pas avoir pour effet de porter atteinte au pluralisme des programmes en réduisant excessivement la ressource disponible pour les opérateurs privés.
En l’espèce, le Conseil d’Étata rejeté la demande dont il était saisi aux motifs, d’une part, que la décision attaquée n’avait pas à faire l’objet d’une motivation ni d’une consultation préalable ; d’autre part, que le mécanisme envisagé de l’attribution prioritaire n’est pas susceptible d’être qualifié d’aide d’État dès lors qu‘il « ne se traduit par aucune dépense supplémentaire ou atténuation de recettes pour l’État » ; enfin, en relevant que le service en cause est bien rattaché aux missions de service public d’une société nationale de programme, qu’il n’était pas possible d’assurer sa réception par un réaménagement des fréquences déjà attribuées dans la zone de Toulouse, où 31 éditeurs privés sont par ailleurs autorisés, de telle sorte que la mesure contestée ne porte pas atteinte à l’impératif de pluralisme.
3. LES ORDONNANCES DE RÉFÉRÉ DU CONSEIL D’ÉTAT
En 2012, le Conseil d’État a rendu quatre ordonnances de référé intéressant directement le CSA. Outre l’ordonnance susmentionnée rejetant la demande de « mesure utile » de M. Patrick B (cf.supra, I.), il a rejeté les deux procédures de référé-suspension dirigées contre l’appel à candidatures actualisé pour la radio numérique et l’appel à candidatures en bande L, ainsi que les demandes tendant à la suspension de la délibération du Conseil relative à la numérotation des services de la télévision numérique terrestre en métropole.
JRCE, ORD., 29 MARS 2012, SIRTI, N° 356926 ET N° 356954
Par ces deux ordonnances, le juge des référés du Conseil d’État a refusé de prononcer la suspension de deux décisions qui avaient été prises par le CSA dans le cadre de la mise en place de la radio numérique terrestre (RNT).
La première, enregistrée sous le n° 356926, faisait suite à la demande du SIRTI tendant à ce que soit suspendue l’exécution d’un prétendu refus du CSA de délivrer les autorisations d’émettre aux candidats sélectionnés le 26 mai 2009 dans le cadre de l’appel aux candidatures relatif à la RNT publié le 26 mars 2008, et à ce qu’il soit enjoint au Conseil de délivrer lesdites autorisations.
Cette demande a été rejetée par le juge des référés, qui a estimé, eu égard aux nouvelles circonstances intervenues depuis 2008 (tenant à la disparition de certains candidats, à l’apparition de nouveaux acteurs et à des changements techniques), ainsi que, eu égard à l’engagement pris par le CSA, de « procéder sans tarder à un nouvel appel à candidatures devant permettre de délivrer, sur des bases techniques actualisées et après que l’ensemble des candidats intéressés auront pu faire acte de candidature, des autorisations d'émettre avant la fin de l'année 2012 », qu’aucun des moyens soulevés n’était de nature à créer un doute sérieux sur la légalité des décisions contestées.
Par la seconde ordonnance, enregistrée sous le n° 356954, il a par ailleurs considéré que le référé-suspension dirigé par le même syndicat contre l’appel à candidaturesdu 3 novembre 2011 pour la distribution de services de radio multiplexés à temps complet ou partagés et de services autres que de radios et de télévision, à l’exclusion des services de médias audiovisuels à la demande, diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique, ne pouvait qu’être rejeté dès lors que cet appelne constitue, conformément à une jurisprudence constante, qu’une mesure préparatoire, qui n’est en tant que telle pas susceptible de recours.
JRCE, ORD., 23 OCTOBRE 2012, ASSOCIATION BOCAL ET AUTRES, N° 362917, N° 362993, N° 362994 ET N° 363211
Du fait de la libération de fréquences radioélectriques découlant de l’extinction de la diffusion analogique des services de télévision, le CSA a adopté le 24 juillet 2012 une délibération modifiant, à compter du 12 décembre suivant, l’organisation de la numérotation logique des services de télévision édités en mode numérique en métropole. Cette réorganisation se traduit notamment par l’attribution des numéros 1 à 29 aux services de télévision anciennement diffusés en mode analogique et aux services nationaux diffusés en clair en mode numérique (qui bénéficiaient jusqu’alors des numéros 1 à 19), et par l’attribution aux services de télévision à vocation locale des numéros 30 à 39 (au lieu de 20 à 29 auparavant).
Saisi de demandes tendant à la suspension de cette délibération par l’association Bocal, le SIRTI, les sociétés Pyrénéenne de télévision et Vosges Télévision, le syndicat Les Locales TV et l’Avicca, le juge des référés du Conseil d’État a rejeté ces demandes par une ordonnance du 23 octobre 2012 en considérant qu’aucun des moyens soulevés n’était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la délibération attaquée.
Il a, en particulier, écarté l’argumentation principale des requérants relative à leur prétendu droit acquis, en considérant que la délibération envisagée est de nature réglementaire. Il a, par ailleurs, expressément relevé que les dispositions de l’article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, qui donnent compétence au CSA pour autoriser l’usage de ressources radioélectriques pour la diffusion de services de télévision, impliquent nécessairement celle de fixer la numérotation logique de ces services, et donc celle de la modifier.
4. Un arrÊt de la Cour administrative d’appel de Paris
COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE PARIS, 8 OCTOBRE 2012, SOCIÉTÉ SITC, N° 11PA01578
Dans le cadre d'un appel à candidatures lancé par le CSA le 14 décembre 2004, la société SITC a présenté sa candidature pour l'octroi d'une autorisation d'usage de la ressource électrique pour la diffusion de son service télévisé KTO par voie numérique terrestre. Au terme de son instruction, le Conseil a rejeté cette candidature par une décision du 19 juillet 2005, qui a cependant été annulée par le Conseil d'État le 21 septembre 2007 (CE, 21 septembre 2007, Société SITC, n° 286460).
Sur ce fondement, la société SITC asollicité le versement à son profit d’une somme de 165 millions d’euros en réparation des préjudices qu’elle considère avoir subis à raison de l’illégalité de cette décision, puis contesté le refus implicite opposé à cette demande.Par jugement n° 0907465 du 27 janvier 2011, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette requête (voir Rapport annuel 2011 du CSA), jugement dont la société SITC a interjeté appel.
Par un arrêt du 8 octobre 2012,la Cour administrative d’appel de Paris a rejeté sa requête, en confirmant le bien-fondé de l’analyse du tribunal.Elle arelevé en particulier « que, pour déterminer si la société SITC bénéficiait d'une telle chance, il appartenait au tribunal, ainsi qu'il l'ajustement fait et contrairement à ce que soutient la société requérante, non seulement de vérifier que le projet de la chaîne KTO était apte à satisfaire le pluralisme des courants d'expression socioculturels et la diversité de l'offre, mais aussi de s'assurer que le projet présenté par la société offrait des garanties suffisantes, notamment s'agissant du financement et des perspectives d'exploitation, dès lors que le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne peut délivrer une telle autorisation à une société dont la situation financière n'offrirait pas de garantie suffisante quant à sa capacité d'assurer de façon durable l'exploitation effective du service » ; et que, en l’espèce, « compte tenu des lacunes du dossier présenté par la société SITC quant au réalisme du plan de financement prévisionnel, s'agissant notamment des recettes d'exploitation, la société s'étant bornée, par exemple, pour la publicité à mentionner « des accords passés avec certains annonceurs fin 2004, début 2005 », sans aucune précision chiffrée, c'est par une exacte appréciation des faits de l'espèce que le Tribunal administratif de Paris a considéré que la société SITC n'était pas fondée à soutenir qu'elle avait des chances sérieuses d'obtenir une autorisation d'émettre ni, de ce fait, à se prévaloir d'un quelconque droit à indemnité ».
5. DEUX ORDONNANCES DU JUGE DES RÉFÉRÉS DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE FORT-DE-FRANCE
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE FORT-DE-FRANCE, 19 MAI 2012, M. FILIN, N° 1200456 ET 23 MAI 2012, M. JEAN MARIE, N° 1200465
Dans ces deux ordonnances, le juge des référés, rappelant que le « principe du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion est une liberté fondamentale », a rejeté les demandes en suivant un raisonnement analogue, qui s’appuie sur une ordonnance du Conseil d’État qu’il vise expressément (JRCE, Ord., 24 février 2001, M. Tibéri, n° 230611, publiée au recueil).
En l’espèce, les faits étaient identiques pour ces deux affaires. M. Filin et M. Jean-Marie demandaient l’annulation de deux décisions prises le 14 mai 2012 par le rédacteur en chef du service de télévision Martinique 1ère, décidant d’annuler leur participation respective à un débat télévisé entre candidats aux élections législatives de la 4e circonscription de la Martinique, prévu le 6 juin 2012, et à un débat entre candidats aux élections législatives de la 1re circonscription de la Martinique, prévu le 23 mai 2012.
Les ordonnances précisent d’abord « qu’aucun texte ou principe ne confèrent au juge administratif comme d’ailleurs au Conseil supérieur de l’audiovisuel […], le pouvoir de se substituer aux services de communication audiovisuelle dans la définition et la mise en œuvre de leur politique éditoriale », et que le choix de l’éditeur du service Martinique 1ère d’organiser en période électorale des débats opposants certains seulement des candidats à l’élection législative des circonscriptions concernées relève dans son principe de sa politique éditoriale.
Pour autant, le juge des référés relève que les choix découlant de cette politique éditoriale ne doivent pas entraîner « une rupture du principe d’équité de traitement entre candidats, notamment au regard des recommandations énoncées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, sur le fondement de l’article 16 de la loi du 30 septembre 1986, par la délibération n° 2011-1 du 4 janvier 2011 relative au principe du pluralisme politique dans les services de radio et de télévision en période électorale ».
En l’espèce, il considère que l’organisation d’un débat, avant le premier tour des élections législatives, opposant certains seulement des candidats des circonscriptions concernées « ne contrevient à aucune règle ni aucun principe ». Cependant, il relève que cela « conduit en pratique à des difficultés pour assurer le respect de l’équité de traitement des candidats et [que, en conséquence], il est indispensable que ces projets de débat soient assortis de la part de Martinique 1ère des propositions les plus propres à assurer un traitement équitable entre les candidats et qu’il incombe au Conseil supérieur de l’audiovisuel de contribuer, dans le respect de ses pouvoirs, à ce qu’il en soit ainsi ».
Ainsi, dans la première affaire (enregistrée sous le n° 1200456), le juge des référés a décidé qu’il reviendra notamment au Conseil de rechercher si « le projet de Martinique 1ère consistant à proposer à M. Filin, auquel un reportage a déjà été consacré le 18 mai 2012, de s’exprimer lors du journal du soir du dimanche 3 juin 2012 ainsi qu’à l’occasion de reportages pendant sa campagne sur le terrain, assure un traitement équitable ou s’il y a lieu de prévoir des modalités complémentaires de couverture de la campagne de ce candidat ». Dans la seconde affaire, il a pris une décision similaire au bénéfice de M. Jean Marie.
Dans ces conditions, les conclusions tendant à l’annulation des décisions de Martinique 1ère d’organiser un débat entre seulement certains candidats sont rejetées « sous réserve pour le Conseil supérieur de l’audiovisuel de poursuivre, en liaison avec Martinique 1ère, la recherche de solutions appropriées à l’exigence d’un traitement équitable des candidats ».
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