Rapport annuel
Les annexes du rapport
Summary
CSA - Conseil supérieur de l'audiovisuel
Rapport annuel 2008

Avant-propos

Les chiffres clés du CSA en 2008

Les chiffres clés de l'audiovisuel en 2008

Les dates clés du CSA en 2008

Synthèse

2008, le numérique pour tous : bilan et perspectives

Le Conseil

L’activité du Conseil en 2008

I - La gestion des fréquences et des services

II - Les autorisations, conventions et déclarations

III - Le suivi des programmes

IV - Les mises en demeure, les sanctions et les saisines du procureur de la République

V - L'activité contentieuse

VI - Les avis

VII - Les nominations

VIII - Les études et la prospective ; la communication

IX - Les relations internationales

Les membres du Conseil et leurs domaines d'activité

Les avis

Les recommandations

Les délibérations

Les décisions

Les communiqués

Rapport annuel 2008

V - L'activité contentieuse

1.  Les règlements de différends

2.  Les décisions du conseil d'état

Clôture d'appel en cours

Clôture de l'appel à candidatures en raison d'irrégularités ayant entaché la procédure

Conventions

Censure des heures de grande écoute fixées par la convention ; modulation dans le temps des effets d'une annulation contentieuse

Décisions de rejet de candidatures

Radio

Télévision

L'exécution de la chose jugée

Sanctions

Le Conseil d'État confirme la sanction pécuniaire prononcée par le CSA à l'encontre de la société Vortex

 

En 2008, le Conseil a rendu plusieurs décisions au titre de la compétence qui est la sienne pour le règlement des différends relatifs à la distribution de services de radio et de télévision.

Par ailleurs, le Conseil d'État, statuant au contentieux, est compétent pour se prononcer, en premier et dernier ressort, sur la légalité des décisions du CSA. Celui-ci a connu une activité contentieuse particulièrement fournie et variée au cours de l'année 2008. Outre le contentieux traditionnel relatif aux décisions prises par le Conseil au terme des procédures de sélection des candidats à la délivrance des autorisations d'usage de fréquences pour l'édition de services de radio ou de télévision, l'année a été notamment marquée par les questions de la clôture d'un appel en raison d'irrégularités de procédure et du lien entre la nature de la programmation d'une télévision et la plage horaire des heures de grande écoute.

 

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1. LES RÈGLEMENTS DE DIFFÉRENDS

Au cours de l'année 2008, le CSA a rendu plusieurs décisions au titre de la procédure de règlement des différends prévue à l'article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 introduit par la loi du 9 juillet 2004 et précisé par le décret n° 2006-1084 du 29 août 2006.

Décision n° 2008-406 du 29 avril 2008 relative à un différend entre les sociétés Neuf Cegetel et Eurosport France

Le différend portait sur la possibilité, pour un distributeur de services, de proposer une chaîne de télévision diffusée par voie hertzienne terrestre en mode numérique dans une offre commerciale essentiellement ADSL, alors même que cette chaîne avait consenti une exclusivité ADSL auprès d'un autre distributeur.

Par courrier du 24 avril 2008, la société Neuf Cegetel a informé le Conseil de sa décision de retirer sa demande de règlement de différend. Le Conseil a donné acte du désistement dans sa décision n° 2008-406 du 20 mai 2008.

Décision n° 2008-407 du 20 mai 2008 relative à un différend entre les sociétés Groupe AB et CanalSatellite au sujet de la distribution de la chaîne Escales

Le différend portait, d'une part, sur la poursuite de la reprise de la chaîne Escales dans l'offre commerciale TPS et, d'autre part, sur le montant de la redevance versée par la société CanalSatellite à la société ABSat en contrepartie de la distribution de la chaîne Escales dans l'offre « CanalSat Nouveau », qui devrait, d'après la requérante, prendre en compte la migration des abonnés TPS vers l'offre « CanalSat Nouveau ».

Par courrier du 13 mai 2008, la société Groupe AB a informé le Conseil de sa décision de retirer sa demande de règlement de différend dans la mesure où, à la suite de la saisine du Conseil supérieur de l'audiovisuel, elle était parvenue à conclure un accord avec la société CanalSatellite. Le Conseil a donné acte du désistement dans sa décision n° 2008-407 du 20 mai 2008.

Décision n° 2008-408 du 20 mai 2008 relative à un différend opposant les sociétés AB1 et Groupe Canal Plus

Le différend portait, d'une part, sur la poursuite de la reprise de la chaîne AB1 dans l'offre commerciale « TPS TNT » sur la télévision numérique terrestre payante et, d'autre part, sur le montant de la redevance versée par la société CanalSatellite à la société ABSat en contrepartie de la distribution de la chaîne AB1 dans l'offre « Minipack TNT CanalSat ».

Par courrier du 13 mai 2008, la société AB1 a informé le Conseil de sa décision de retirer sa demande de règlement de différend dans la mesure où, à la suite de la saisine du Conseil supérieur de l'audiovisuel, elle était parvenue à conclure un accord avec les sociétés Groupe Canal Plus et CanalSatellite. Le Conseil a donné acte du désistement dans sa décision n° 2008-408 du 20 mai 2008.

Décision n° 2008- 523 du 8 juillet 2008 relative à un différend opposant les sociétés AB Sat et Métropole Télévision

Le différend portait sur la reprise de la chaîne M6 dans le bouquet « Bis Télévision » lancé par la société AB Sat au mois de novembre 2007.

La société AB Sat soutenait que le refus de la société Métropole Télévision de reprendre le signal de la chaîne M6 dans son bouquet constitue une mesure discriminatoire en ce que la chaîne est distribuée par tous les autres distributeurs de services, par câble, satellite et ADSL. Elle demandait en conséquence au Conseil de l'autoriser à distribuer le service M6 dans son offre « Bis Télévision », notamment par satellite.

La société Métropole Télévision soutenait que le principe de liberté commerciale lui permettait de décider, en toute opportunité, d'entrer ou non en relation d'affaires avec un distributeur de services et de choisir ou non d'être reprise dans une offre de services. À défaut pour la chaîne M6 d'être dans l'obligation de livrer son signal, il ne saurait lui être reproché une quelconque pratique discriminatoire.

Le Conseil a relevé que chaîne M6 était accessible dans les bouquets audiovisuels des « offres multiservices » proposées par les opérateurs de communications électroniques (Neuf Cegetel, Orange, Free) ainsi que dans l'offre de base « CanalSat » librement proposée par la société Canal+ Distribution, notamment par satellite.

Dans la mesure où ces différents opérateurs avaient, d'une part, établi avec les éditeurs de services des relations contractuelles en vue de constituer une offre de programmes et, d'autre part, procédé à la déclaration administrative de leur activité, ils avaient nécessairement acquis la qualité de distributeur de services au sens des dispositions de l'article 2-1 de la loi du 30 septembre 1986.

Étant donné que la société AB Sat avait aussi contracté avec différents éditeurs en vue de proposer au public une offre de services de télévision et qu'elle avait déclaré son activité auprès du Conseil le 27 novembre 2007, elle possédait également la qualité de distributeur de services au sens des dispositions rappelées ci-dessus.

Le Conseil a conclu que ces diverses sociétés étaient dans une situation identique qui imposait que les éditeurs de services leur réservent un traitement comparable.

En effet, dès lors que la société Métropole Télévision acceptait que la chaîne M6 soit reprise par plusieurs distributeurs de services, et qu'aucune pièce du dossier n'apportait d'élément de nature à considérer que le traitement différent réservé à la société AB Sat s'appuyait sur des raisons objectives, la société Métropole Télévision ne pouvait invoquer sa liberté commerciale pour refuser d'entrer en relation d'affaires avec un autre distributeur, sauf à porter atteinte au principe de non-discrimination qui doit caractériser les relations contractuelles entre les éditeurs et les distributeurs de services.

En refusant d'entamer des négociations commerciales avec la société AB Sat sur la question de l'accès au signal du service M6 alors même que tous les concurrents du distributeur pouvaient accéder aux programmes de la chaîne, la société Métropole Télévision portait atteinte à ce principe.

En conséquence, le Conseil a décidé d'enjoindre à la société Métropole Télévision d'adresser à la société AB Sat une proposition commerciale de distribution de la chaîne M6 présentant un caractère objectif, équitable et non discriminatoire, conformément aux dispositions de l'article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986.

Décision n° 2009-93 du 12 janvier 2009 relative à un différend entre les sociétés France Télécom et Groupe Canal Plus

Le différend portait sur la reprise des chaînes I > Télé et Canal+ en clair dans le bouquet « ADSL/Satellite » de la société France Télécom.

Par courrier du 19 décembre 2008, la société France Télécom a informé le Conseil de sa décision de retirer sa demande de règlement de différend, dans la mesure où, à la suite de la saisine du Conseil supérieur de l'audiovisuel et d'un échange de courriers entre les parties, le président de la société Groupe Canal Plus s'est engagé formellement, par une lettre du 18 décembre 2008, à la mise à disposition de l'offre satellitaire commercialisée par la société France Télécom sur Eutelsat des services visés dans la saisine. Le Conseil a donné acte du désistement dans sa décision n° 2009-93 du 20 mai 2008.

Demandes en cours d'instruction

Deux demandes de règlement de différend, introduites en 2008, sont en cours d'instruction. La première oppose les sociétés SYMVEP et Numéricâble, la seconde les sociétés CNH et Canal J.

 

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2. LES DÉCISIONS DU CONSEIL D'ÉTAT

Clôture d'appel en cours

Clôture de l'appel à candidatures en raison d'irrégularités ayant entaché la procédure

Le 22 avril 2005, le CSA a lancé un appel à candidatures portant sur 21 fréquences disponibles en Nouvelle-Calédonie. Le comité technique radiophonique (CTR) a sélectionné 13 candidatures recevables sur les 14 qu'il avait reçues et le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a donné son avis. Par une décision du 20 décembre 2005, le CSA a clos la procédure « en raison des risques d'irrégularités ».

Le Conseil d'État, saisi d'une requête présentée par une société proposant un service de radio en Nouvelle-Calédonie et dont le projet avait franchi le seuil de la recevabilité, a été amené à se prononcer sur la légalité de cette dernière décision (CE 8 août 2008, Société Interférence, n° 290490).

En premier lieu, si le Conseil d'État ne s'est pas prononcé expressément sur la recevabilité du recours, il ressort de sa réponse au fond, comme des conclusions du commissaire du Gouvernement, qu'une telle décision fait bien grief et qu'elle est donc susceptible de recours pour excès de pouvoir.

En deuxième lieu, le Conseil d'État a été amené, en contrôlant les motifs retenus par le CSA pour clore la procédure, à dégager ceux qui auraient entraîné son annulation en cas de contentieux.

Il a ainsi confirmé la position du CSA et indiqué quelles irrégularités pouvaient entacher la procédure et justifier sa clôture.

Le principe d'impartialité appliqué aux membres des CTR

Le Conseil d'État a explicitement validé la position du CSA en tant que ce dernier a considéré que « la participation à la délibération du comité technique radiophonique d'une personne qui a accompli pour le compte de l'un des candidats et au bénéfice de son projet une prestation rémunérée d'expertise et de conseil entachait d'irrégularité l'avis émis par cet organisme ». Il s'inscrit ainsi dans sa jurisprudence traditionnelle en matière d'impartialité de l'administration : la composition d'un organisme doit satisfaire aux exigences du principe d'impartialité, dont le respect s'impose à « tout organisme administratif » (CE, 7 juillet 1965, Fédération nationale des transporteurs routiers) et que la jurisprudence consacre comme un principe général du droit.

L'égalité de traitement entre les candidats

Le Conseil d'État a relevé que si l'appel à candidatures avait été régulièrement publié au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie (JONC) le 17 mai 2005, la publication de l'information dans un journal local n'était intervenue que les 13 et 15 juin alors que la date de clôture était fixée au 22 juin. Dans ces circonstances, il a considéré que le CSA avait à bon droit estimé que le caractère tardif de l'information avait pu porter atteinte à l'égalité de traitement entre les différents candidats.

La publication au JONC n'apparaît donc pas nécessairement suffisante. Mais au regard des conclusions du commissaire du Gouvernement Jean-Philippe Thiellay, c'est en réalité parce que certains candidats avaient bénéficié d'informations plus tôt que d'autres et, contrairement à la pratique, que le CTR n'avait pas organisé de réunions d'information, que la rupture d'égalité de traitement entre les candidats était caractérisée.

Le Conseil d'État n'a pas repris deux autres motifs qui justifiaient, aux yeux du CSA, de clore la procédure (publication de l'avis du CTR par les médias locaux et doute sur la portée de l'avis du gouvernement de Nouvelle-Calédonie) en considérant qu'à eux seuls, les deux motifs précédents justifiaient légalement la décision de mettre fin à l'appel à candidatures.

En troisième lieu, le Conseil d'État a validé la position du CSA qui n'avait pas décidé d'ouvrir un nouvel appel à candidatures.

Le Conseil d'État a considéré qu'aucune disposition n'imposait au CSA d'organiser une nouvelle procédure de sélection dès l'interruption de celle qui avait été lancée par sa décision du 22 avril 2005. En effet, la clôture d'une procédure et l'ouverture d'une autre sont deux décisions distinctes.

 

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Conventions

CENSURE DES HEURES DE GRANDE ÉCOUTE FIXÉES PAR LA CONVENTION ; MODULATION DANS LE TEMPS DES EFFETS D'UNE ANNULATION CONTENTIEUSE

Par deux décisions du 5 mars 2008 (Société NRJ 12 et Société TF1, n° 281451 ; Société TF1 et Société TMC, n° 286273), le Conseil d'État a annulé l'avenant à la convention du service de télévision W9 et l'autorisation du service de télévision Europe 2 TV (devenu Virgin 17), en raison du caractère manifestement inadapté, au regard de la nature de leur programmation, de la clause définissant les heures de grande écoute.

Un lien entre la nature de la programmation et la plage horaire des heures de grande écoute

Dans l'affaire n° 281451, relative au recours exercé par les sociétés NRJ 12 et TF1 contre la convention et l'avenant signés entre le CSA et la chaîne M6 Music, autorisée en tant que service musical, l'autorisation initiale prévoyait qu'elle consacrerait 50 % de son temps d'antenne à des vidéomusiques, auxquels viendraient s'ajouter 52 programmes de spectacles vivants. En outre, il était prévu que les diffusions ou rediffusions d'œuvres cinématographiques de longue durée étaient limitées à 104 par an et devaient porter sur moins de 52 œuvres différentes. L'avenant approuvé par la décision du 15 mars 2005 et signé le 29 mars suivant supprimait pour le service, dorénavant dénommé W9, l'obligation de diffuser 50 % de vidéomusiques et permettait la diffusion de plus de 51 œuvres cinématographiques de longue durée par an tout en maintenant un plafond de 104 diffusions ou rediffusions. La convention prévoyait également que les heures de grande écoute étaient comprises entre 7 heures et 24 heures.

Le 2° de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit en effet : « La diffusion, en particulier aux heures de grande écoute, de proportions aux moins égales à 60 % d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et de proportions au moins égales à 40 % d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles d'expression originale française ».

Les dispositions de l'article 14 du décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 prévoient, pour les services de télévision diffusés en numérique, distribués par câble et satellite ainsi que pour les programmes rediffusés des services de cinéma à programmation multiple, que la convention détermine les heures de grande écoute en fonction de la nature de la programmation du service.

En premier lieu, le Conseil d'État a confirmé que, eu égard « à la rédaction des textes et au fait qu'il semble logique de laisser une certaine marge d'appréciation au CSA 1 », il y avait là matière à contrôle restreint du juge. Autrement dit, seules seront censurées les erreurs d'appréciation qui s'avéreront manifestes.

En second lieu, sur le fond, le Conseil d'État a relevé que la convention annexée à l'autorisation de la chaîne TNT M6 Music, service à vocation musicale, laissait à l'éditeur dudit service la faculté de ne programmer en soirée que des émissions non musicales, de même nature que celles que diffusent les services généralistes. L'avenant permettait en outre la diffusion de deux films différents par semaine. Pour le Conseil d'État, la clause de la convention selon laquelle les heures de grande écoute étaient comprises entre 7 heures et 24 heures apparaissait donc manifestement inadaptée au regard de la nature de la programmation.

Dans l'affaire n° 286273, le recours des sociétés TF1 et TMC était notamment dirigé contre la convention conclue entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel et la société MCM annexée à la décision d'autorisation de ladite société. Cette convention relative à l'exploitation du service Europe 2 TV définissait les caractéristiques du programme en prévoyant que les trois quarts du temps d'antenne devaient être consacrés à des programmes musicaux. Il était également prévu, conformément aux dispositions de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986, que les obligations de diffusion d'œuvres audiovisuelles européennes et d'expression originale française devaient être respectées aux heures de grande écoute, soit entre 7 heures et 24 heures.

Le Conseil d'État a relevé qu'en se bornant à prévoir que 75 % au moins du temps d'antenne devaient être consacrés à des programmes musicaux, sans préciser la répartition de ces programmes dans la journée, la convention laissait à l'éditeur du service la faculté de ne programmer en soirée que des œuvres audiovisuelles susceptibles de recueillir une plus large audience que les émissions musicales. Par suite, en prévoyant que les heures comprises entre 7 heures et minuit seraient considérées comme des heures de grande écoute pour l'appréciation du respect des obligations de diffusion d'œuvres audiovisuelles européennes et d'expression originale française, la convention retenait une définition des heures de grande écoute manifestement inadaptée au regard des règles auxquelles elle soumettait par ailleurs la programmation du service.

Ces deux décisions consacrent un lien entre, d'une part, la nature de la programmation et, d'autre part, la définition des plages horaires des heures de grande écoute. Si la première évolue, la seconde doit s'y adapter. Dans les deux cas, le Conseil d'État tient compte de la modulation dans la journée de la nature de la programmation, ses décisions étant fondées sur les facultés :

  • de ne programmer en soirée que des émissions non musicales, de même nature que celles que diffusent les services généralistes ;
  • de ne programmer en soirée que des œuvres audiovisuelles susceptibles de recueillir une plus large audience que les émissions musicales.

Le Conseil d'État a considéré que l'illégalité de la clause relative aux heures de grande écoute entraînait l'annulation intégrale, d'une part, de l'avenant à la convention de la chaîne TNT M6 Music, d'autre part, de l'avenant à la convention et de l'autorisation de la chaîne TNT Europe 2 TV à laquelle elle est annexée. Néanmoins, le Conseil a précisé que l'annulation de l'autorisation de la chaîne Europe 2 TV n'avait pas pour conséquence l'organisation d'une nouvelle mise en concurrence pour l'attribution de la fréquence qui lui avait été allouée, l'illégalité n'ayant pas été de nature à influer sur le choix du projet de la société MCM.

La modulation dans le temps des effets de l'annulation contentieuse

Ces annulations contentieuses devaient entraîner la disparition rétroactive des actes en cause de l'ordonnancement juridique ; autrement dit, ces actes auraient été réputés n'être jamais intervenus. Et, comme le relevait le commissaire du Gouvernement T. Olson, l'opérateur allait devoir stopper immédiatement ses émissions. Il proposait donc à la formation de jugement de faire application de la jurisprudence, consacrée par l'arrêt « Association AC ! et autres » du 11 mai 2004, relative à la modulation de l'effet rétroactif de l'annulation contentieuse.

Par sa décision n° 281451, le Conseil d'État a ainsi considéré que si l'illégalité justifiait l'annulation de la décision et de l'avenant attaqués « compte tenu des effets excessifs d'un retour immédiat aux règles de programmation définies dans la convention initiale et des risques qu'il comporterait pour la pérennité du service, il y [avait] lieu de différer l'effet de l'annulation jusqu'au 1er juillet 2008 ».

Par sa décision n° 286273, le Conseil d'État a considéré que « compte tenu des effets excessifs d'une interruption de la diffusion du service au regard tant de l'intérêt général qui s'attache au développement de la télévision numérique terrestre que des intérêts de la société MCM, il y [avait] lieu de différer l'effet de l'annulation jusqu'au 1er juillet 2008 ».

Au terme des discussions et négociations avec les représentants des deux sociétés en cause, le CSA a approuvé les nouvelles conventions lors de sa séance plénière du 17 juin 2008.

 

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 Décisions de rejet de candidatures

RADIO

En 2008, le Conseil d'État s'est prononcé à 31 reprises sur la légalité de décisions rejetant ou retenant la candidature de sociétés pour l'exploitation de services radiophoniques, au travers de cinq ordonnances de référé et 26 décisions rendues sur recours pour excès de pouvoir, parmi lesquelles il a prononcé six annulations.

Absence d'équivalence entre deux modes de diffusion

Ainsi, dans l'affaire n° 285697 qui a donné lieu à un arrêt du 16 janvier 2008, le CSA, pour refuser à la SA Radio Monte-Carlo l'autorisation d'exploiter le service RMC Info en modulation de fréquence dans la zone de Nancy, s'était fondé sur la circonstance que cette société bénéficiait déjà, depuis le 10 février 2004, d'une autorisation d'exploiter le même service dans la même zone en modulation d'amplitude, dans la bande des ondes moyennes. En effet, le CSA estimait que cette circonstance imposait à elle seule, au regard des impératifs prioritaires de sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socioculturels et de diversification des opérateurs, de rejeter la demande d'autorisation en vue de la diffusion en modulation de fréquence d'un service déjà diffusé en ondes moyennes.

Or, pour le Conseil d'État, dans la mesure où, à la date de sa décision, les conditions de réception des émissions en ondes moyennes et les habitudes des auditeurs ne permettaient pas de regarder les deux modes de diffusion comme équivalents, le CSA avait commis une erreur de droit.

Diversification des opérateurs, position dominante et équilibre entre réseaux nationaux et services locaux

Par un arrêt n° 304549 du 24 octobre 2008 (Société Vortex), le Conseil d'État a annulé la décision du 21 novembre 2006 par laquelle le CSA avait rejeté la candidature de la société requérante pour l'exploitation du service de radiodiffusion Skyrock sur les zones de Bonifacio, Ghisonaccia et Calvi, et lui a enjoint de réexaminer sa candidature sous deux mois.

Le Conseil d'État a notamment considéré que dans ces trois zones, le CSA avait méconnu les impératifs prioritaires de diversification des opérateurs, la nécessité d'éviter les abus de position dominante dont la loi lui prescrit de tenir compte et l'objectif de juste équilibre entre réseaux nationaux de radiodiffusion et services locaux, régionaux et thématiques indépendants. Il a été relevé que dans ces zones, les groupes NRJ et CLT UFA étaient titulaires de quatre à cinq fois plus de fréquences que le groupe Orbus (Skyrock et Canal 9) dans la zone du CTR de Marseille.

Dans un second arrêt (n° 304550), rendu le même jour, le Conseil d'État a annulé la décision du 21 novembre 2006 par laquelle le CSA avait rejeté la candidature de la société Canal 9 pour l'exploitation du service de radiodiffusion Chante France sur les zones d'Ajaccio et Bastia, et enjoint au CSA de réexaminer sa candidature sous deux mois.

Le CSA avait rejeté la candidature de la société Canal 9 pour l'exploitation d'un service en catégorie D au motif que cette demande avait pour objet d'étendre la couverture d'un service autorisé en catégorie B dans la zone de Paris et que l'extension d'un service local sur une zone excédant 6 millions d'habitants ne pouvait être autorisée sans que le titulaire de l'autorisation ait été préalablement autorisé dans une catégorie de services à vocation nationale.

Or, le Conseil d'État a considéré que le CSA, en rejetant la candidature de la société Canal 9 pour un motif qui n'est prévu par aucun texte et alors qu'il n'était pas contesté que le service proposé répondait par son objet et ses caractéristiques à la définition d'un service de catégorie D, avait entaché son refus d'une erreur de droit. Cette jurisprudence a été confirmée dès décembre 2008 (CE, 19 décembre 2008 Société Canal 9, n° 304547).

Radios associatives et pluralisme

La procédure d'attribution de fréquences radio dans le cadre de l'appel à candidatures lancé le 27 mars 2007 dans le ressort du CTR de Marseille a donné lieu à plusieurs décisions du Conseil d'État, saisi par l'Association rencontre amitié Radio Gazelle qui a fait jouer à l'encontre du rejet de sa candidature et de l'autorisation ou de la présélection des radios retenues la plupart des recours juridictionnels mis à sa disposition : référé-liberté, référé-suspension, recours en annulation.

Par une ordonnance n° 312794 du 12 février 2008, le juge des référés du Conseil d'État a rejeté la requête en référé-liberté que l'association en question avait présentée, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, à l'encontre des décisions du 5 février 2008 par lesquelles le CSA avait rejeté la candidature du service de catégorie A « Radio Gazelle » et autorisé le service de catégorie D « France Maghreb 2 » dans la zone de Marseille, dès lors qu'il n'apparaissait pas, en l'état de l'instruction, que les décisions ainsi prises par le CSA aient été constitutives d'une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de communication et au caractère pluraliste des courants de pensée et d'opinion.

Par ses décisions n° 313513 et n° 315803 du 11 juillet 2008, le Conseil d'État a annulé, d'une part, les décisions précitées du 5 février 2008 et, d'autre part, la décision du 9 avril 2008 par laquelle le CSA, après avoir réexaminé l'ensemble des candidatures présentées dans la zone de Marseille, comme le lui avait enjoint le juge des référés du Conseil d'État, qui avait suspendu, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la décision de rejet de la candidature de l'Association Rencontre Amitié Radio Gazelle (ordonnance n° 313514 du 14 mars 2008), avait de nouveau rejeté la candidature de cette radio.

La Haute Assemblée, relevant que, pour la zone considérée, le CSA avait diminué de huit à six le nombre de fréquences allouées de radios à caractère associatif autorisées (catégorie A) et doublé celui des fréquences à attribuer à des services thématiques à vocation nationale (catégorie D), a en effet considéré que le Conseil « [avait] (...) méconnu les dispositions de l'article 29 de la loi qui lui prescrivent de veiller à un juste équilibre entre réseaux nationaux et services locaux, régionaux, thématiques indépendants et à ce que des ressources suffisantes en fréquences soient réservées à des services accomplissant une mission sociale de proximité ».

Le Conseil d'État a également estimé, s'agissant de la requête dirigée contre le rejet opposé à la candidature de Radio Gazelle le 5 février 2008, qu'« en se fondant, pour rejeter la candidature de Radio Gazelle sur la préférence qu'il souhaitait donner aux services de formats spécifiques, s'adressant à un public communautaire ciblé, plutôt que des services qui, par leur axe pluricommunautaire, s'adressent à un large public sans répondre plus particulièrement aux attentes de chacune des communautés auxquelles ils s'adressent et en lui opposant que la ressource en fréquences dans la zone de Marseille étant importante, il était en mesure de retenir des services s'adressant spécifiquement à la communauté maghrébine, le Conseil supérieur de l'audiovisuel n' [avait] pas légalement justifié sa décision au regard des critères dont l'article 29 de la loi lui prescrit de tenir compte pour départager les candidats à l'exploitation d'une fréquence, en particulier celui de la sauvegarde des courants d'expression socioculturels et des services favorisant les échanges entre les groupes sociaux et culturels » et, en ce qui concerne l'autorisation accordée le même jour à France Maghreb 2, qu'« en privilégiant, sur la fréquence 98 MHz, un service thématique à vocation nationale ciblé sur une population particulière de préférence à une radio associative remplissant une mission locale de proximité, le Conseil supérieur de l'audiovisuel [avait], dans les circonstances particulières de l'espèce, méconnu les critères dont l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 lui prescrivent de tenir compte, en particulier celui de la sauvegarde des courants d'expression socioculturels et des services accomplissant une mission de communication sociale de proximité et favorisant les échanges entre les groupes sociaux et culturels ».

Enfin, la haute juridiction administrative a jugé, quant à la requête dirigée contre la décision du 9 avril 2008, qu' « en relevant que Radio Gazelle proposait moins d'informations locales que les autres services auxquels il a été comparé, en lui opposant le fait qu'il s'adresserait majoritairement à la communauté originaire du Maghreb après l'avoir classé parmi les services dits « pluricommunautaires » tout en lui reprochant de ne pas avoir donné la liste des communautés auxquelles il entendait s'adresser, le Conseil supérieur de l'audiovisuel [avait] entaché sa décision d'inexactitude matérielle et ne l' [avait] pas légalement justifiée au regard des critères dont l'article 29 de la loi lui prescrit de tenir compte pour départager les candidats à l'exploitation d'une fréquence ».

Le Conseil d'État a par ailleurs enjoint au CSA de réattribuer dans un délai de trois mois la fréquence 98 MHz après un réexamen de l'ensemble des candidatures présentées dans le ressort du CTR de Marseille à la suite de l'appel à candidatures lancé le 27 mars 2007 et qu'il n'avait pas retenues par ses décisions du 5 février 2008, dont celle de Radio Gazelle.

En exécution de ces deux décisions du 11 juillet 2008, le CSA a procédé à une nouvelle présélection pour la fréquence 98 MHz à Marseille, à l'issue de laquelle il a retenu, par décision du 23 septembre 2008, le projet Radio Lina en catégorie A. Cette décision a elle-même été contestée par l'Association rencontre amitié Radio Gazelle, qui en a notamment demandé la suspension.

De manière exceptionnelle au regard d'une jurisprudence constante du Conseil d'État selon laquelle les décisions de présélection, qui ne peuvent être regardées comme ayant valeur d'autorisations pour les candidats qui y figurent ni de rejets pour les candidats qui n'y figurent pas, ne « font pas grief » et ne sauraient, à ce titre, faire directement l'objet d'une contestation contentieuse (v. par ex. CE, 29 juillet 1998, Association Dumbea Communication ; 29 juillet 2002, Association Radio Oxygène ; 10 août 2005, Association Devcom), le juge des référés du Conseil d'État a fait droit à cette demande par une ordonnance n° 321311 du 30 octobre 2008.

TÉLÉVISION

Par deux décisions du même jour (5 décembre 2008, Association TVAsso, n° 287686 ; Société Télé Grenoble et Société Le Dauphiné libéré, n° 286669), le Conseil d'État a rejeté les requêtes présentées par l'association TV Asso et les sociétés Télé Grenoble et Le Dauphiné libéré à la suite de l'attribution par le CSA de fréquences destinées à des télévisions locales en mode hertzien analogique à Marseille et à Grenoble.

Pour s'en tenir à la première d'entre elles, la Haute Assemblée, statuant sur les conclusions dirigées par l'association TVAsso contre, d'une part, l'autorisation accordée pour la zone de Marseille à la société Marseille Télévision Locale et, d'autre part, le rejet dont sa propre candidature avait fait l'objet, a notamment eu à statuer sur un moyen tiré d'une prétendue inconventionnalité de l'article 30 de la loi du 30 septembre 1986. L'association requérante invoquait en effet la circonstance qu'à la différence de ce que fait l'article 29 de la loi pour les radios, l'article 30 ne garantit pas qu'une part suffisante des ressources télévisuelles sera attribuée aux services édités par des associations, ce qui constituait selon elle une discrimination dans l'exercice de la liberté d'expression incompatible avec les stipulations combinées des articles 10 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CESDH).

Le Conseil d'État a écarté ce moyen après avoir relevé, d'une part, qu'il ne résultait pas de l'article 30 de la loi que les associations accomplissant une mission de communication sociale de proximité et candidates à l'exploitation d'un service de télévision par voie hertzienne terrestre en mode analogique soient placées par la loi dans une situation moins favorable que les candidats dotés d'une autre forme juridique et, d'autre part, que la loi ne réservait pas un traitement distinct à des situations analogues, dès lors que les services de radiodiffusion et de télévision diffèrent par leurs caractéristiques techniques et économiques.

L'association requérante avait également reproché au CSA de ne pas avoir écarté comme irrecevable la candidature de la société retenue en raison des modifications dont son projet avait fait l'objet après le dépôt des candidatures. Mais le Conseil d'État a considéré que les modifications en question, qui avaient consisté à remplacer les deux journalistes désignés dans le dossier de candidature comme devant occuper les principales fonctions dirigeantes dans la société par deux autres professionnels, ne revêtaient pas un caractère substantiel et n'étaient donc pas assimilables à la substitution à la demande initiale d'une demande nouvelle, laquelle aurait été irrecevable car tardive (CE, 28 février 1996, Syndicat national des radios privées).

Le Conseil d'État a par ailleurs estimé que la circonstance que plusieurs des actionnaires de la société retenue exerçaient déjà une activité dans les secteurs de l'audiovisuel et de la presse écrite, et soient pour certains des acteurs importants de l'offre médiatique locale, n'était pas à elle seule de nature à établir que le CSA aurait accordé l'autorisation attaquée en méconnaissance des impératifs prioritaires mentionnés au sixième alinéa de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 - que l'article 30 de la loi lui prescrit de prendre en compte en matière de télévision hertzienne analogique -, eu égard notamment à l'existence sur le plan local et régional d'une offre diversifiée en matière de presse, de radiodiffusion et de télévision, au fait que l'actionnaire principal de la société n'exerçait dans le secteur des médias qu'une activité marginale et localisée dans d'autres régions que celle concernée par l'autorisation attaquée et à la circonstance que les actionnaires déjà présents dans ce secteur et dans la zone ne détenaient chacun qu'une participation très minoritaire dans le capital de la société.

L'EXÉCUTION DE LA CHOSE JUGÉE

Après avoir annulé une décision rejetant la candidature d'une société requérante, le Conseil d'État, saisi de conclusions en ce sens, peut notamment enjoindre au CSA de prendre les mesures nécessaires au réexamen de la candidature de cette société (article L. 911-2 du code de justice administrative ; cf. par ex. l'affaire Radio Gazelle).

La question des conséquences nécessaires de l'annulation d'un refus d'autorisation d'émettre avait déjà fait l'objet d'un arrêt Société Strasbourg FM rendu le 10 octobre 1997. Le Conseil d'État avait considéré qu'à la suite de l'annulation du refus, le CSA avait été à nouveau saisi de la demande d'autorisation et qu'il lui appartenait d'y statuer en se fondant sur les circonstances de droit et de fait existant à la date de ce réexamen. Cependant, le Conseil avait également précisé que les autorisations délivrées dans la zone ne pouvaient pas être remises en cause si elles étaient devenues définitives faute d'avoir été attaquées.

Dans une décision du 22 février 2008 (Société Nord Aquitaine Radio, n° 289131), le Conseil d'État a rappelé qu'en exécution d'une décision prononçant l'annulation d'une décision de rejet de candidature pour l'exploitation d'un service de radiodiffusion, le CSA est tenu de se prononcer à nouveau sur cette candidature, qui doit être examinée de plein droit, dans la zone concernée. En revanche, l'autorité de la chose jugée ne fait pas obligation à l'autorité de régulation de lui attribuer, hors appel à candidature, une autorisation d'émettre.

 

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Sanctions

LE CONSEIL D'ÉTAT CONFIRME LA SANCTION PÉCUNIAIRE PRONONCÉE PAR LE CSA À L'ENCONTRE DE LA STÉ VORTEX

Dans le cadre des dispositions de l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986, qui lui confie la mission de veiller à la protection de l'enfance et de l'adolescence, le CSA, par délibération du 10 février 2004 2, a demandé aux services de radio de ne pas diffuser, entre 6 heures et 22 h 30, de programmes susceptibles de heurter la sensibilité des mineurs de moins de seize ans.

L'écoute des émissions intitulées Radio Libre du service de radio « Skyrock » diffusées les 26 août, 2 septembre, 14 et 21 octobre et 18 novembre 2004 a cependant permis de constater la récurrence de propos tenus, non seulement par les auditeurs, mais également par les animateurs décrivant de façon crue, détaillée et banalisée certaines pratiques sexuelles et ce, entre 21 heures et 22 h 30.

Le 17 décembre 2004, estimant que la société Vortex ne s'était pas conformée à sa délibération, le CSA l'a mise en demeure, sur le fondement de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986, de cesser la diffusion entre 6 heures et 22 h 30 de tout programme pouvant heurter la sensibilité des auditeurs de moins de 16 ans.

Après rejet du recours gracieux adressé au Conseil, la société Vortex a formé devant le Conseil d'État un recours en excès de pouvoir tendant à l'annulation de la mise en demeure litigieuse. Par une décision rendue le 11 décembre 2006, le Conseil d'État a rejeté la requête de la société en considérant notamment que le CSA n'avait pas commis d'erreur d'appréciation en mettant en demeure la société requérante de cesser de diffuser des propos de cette nature entre 6 heures et 22 h 30.

Entre-temps, de nouvelles écoutes des émissions Radio Libre diffusées les 6 et 27 janvier, 17 mars, 28 avril et 12 mai 2005 ont permis de constater que ni la délibération, ni la mise en demeure susmentionnées n'étaient respectées.

Le Conseil a donc engagé la procédure de sanction prévue à l'article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986. Par une décision du 31 janvier 2006, il a décidé d'infliger à la société Vortex une sanction pécuniaire de 50 000 euros sur le fondement de l'article 42-1 de la loi.

Le Conseil d'État, saisi d'une requête tendant à l'annulation de cette décision 3, en confirmé la légalité (CE, 17 octobre 2008, Société Vortex, n° 292547).

Le CSA, les sanctions et les droits de la défense

En premier lieu, le Conseil d'État a rappelé que lorsqu'il fait usage de ses pouvoirs de sanction, le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne prend pas une décision juridictionnelle mais prononce une sanction administrative et a ainsi confirmé, sur ce point, sa jurisprudence issue de l'arrêt Association Radio Solidarité du 16 avril 1991. Par suite, en s'abstenant de viser, dans sa décision, les observations présentées par l'opérateur faisant l'objet de la procédure de sanction, et de répondre à certains des arguments qui y étaient développés, le CSA n'a commis aucune irrégularité de forme.

L'arrêt du 17 octobre 2008 a aussi été l'occasion de revenir sur l'évolution de la jurisprudence du Conseil d'État en matière d'applicabilité de l'article 6-1 de la CESDH, qui garantit le droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue, équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi. Ces exigences concernent les instances relatives à des contestations portant sur des droits et obligations de caractère civil ou au bien-fondé d'accusations en matière pénale.

En effet, si en l'espèce le Conseil d'État a rejeté le moyen tiré de la violation de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (CESDH), il n'en a pas moins confirmé l'opérance en tant que ces stipulations sont applicables aux décisions statuant sur le bien-fondé d'accusations en matière pénale, au nombre desquelles figure la sanction contestée.

Or, il n'en a pas toujours été ainsi. En effet, l'ancien état de la jurisprudence du Conseil d'État considérait que l'article 6-1 de la CESDH ne pouvait être invoqué utilement à l'encontre d'une décision prise par une autorité administrative (CE, 31 mars 1995, Ministre du budget c/SARL Auto-Industrie Méric).

S'agissant plus spécifiquement du CSA, le Conseil d'État se fondait sur son caractère administratif pour écarter les moyens tirés de la violation de l'article 6-1 (CE, 14 juin 1991, Association Radio Solidarité ; 9 octobre 1996 : Association Ici et Maintenant).

Mais en 1999, les juges du Palais-Royal ont admis que certains organismes collégiaux investis d'un pouvoir de sanction devaient être regardés comme des tribunaux au sens de la CESDH, alors même qu'ils revêtaient un caractère administratif et non juridictionnel au regard du droit national (CE, 3 décembre 1999, Didier).

Dans la droite ligne de cette solution, dès 2002, le Conseil d'État a consacré le principe selon lequel les sanctions prises par le CSA sur le fondement de l'article 42-1 de la loi du 30 septembre 1986 figurent parmi les « décisions statuant sur le bien-fondé de toute accusation en matière pénale » (CE, 29 juillet 2002, Association Radio Deux Couleurs). Et, en 2006, le Conseil d'État a admis expressément que, « lorsqu'il se prononce sur des agissements pouvant donner lieu aux sanctions prévues par l'article 42-1 de la loi du 30 septembre 1986, le Conseil supérieur de l'audiovisuel doit être regardé comme décidant du bien-fondé d'accusations en matière pénale au sens des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales » (CE, 6 janvier 2006, Société Lebanese Communication Group).

En revanche, le moyen tiré de la violation de l'article 6-1 de la CESDH par une décision de mise en demeure reste inopérant (CE, 30 décembre 2002, Société Vortex), cette dernière n'ayant pas le caractère d'une accusation en matière pénale (CE, 11 décembre 2006, Société Vortex).

Le CSA, les sanctions et l'office du juge

Dans un premier temps, le Conseil d'État a considéré qu'en la circonstance la délibération du 10 février 2004 du Conseil ne mentionnait que les auditeurs de moins de seize ans, alors que les dispositions de l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 relatives à la protection des mineurs permettant au CSA de prendre des mesures concernant également les auditeurs de seize à dix-huit ans, était sans incidence sur sa légalité.

En effet, ainsi que le relevait le commissaire du Gouvernement T. Olson dans ses conclusions sur l'arrêt du 11 décembre 2006 précité « qui peut le plus peut le moins et rien n'imposait au CSA de prendre des mesures s'appliquant uniformément à tous les mineurs. Il pouvait donc légalement prendre des mesures de protection visant plus particulièrement une catégorie d'entre eux, en l'occurrence celle des moins de seize ans ». Le Conseil d'État a donc confirmé la position adoptée dans son arrêt du 11 décembre 2006.

Dans un second temps, s'agissant de la sanction infligée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, le Conseil d'État a considéré qu'il avait pu légalement sanctionner la société Vortex pour la diffusion de propos décrivant de façon crue, détaillée et banalisée des pratiques sexuelles susceptibles de heurter la sensibilité des auditeurs de moins de seize ans entre 21 heures et 22 h 30 4.

 

 

1. « Car [selon le commissaire du Gouvernement T. Olson] la fixation des heures de grande écoute, en particulier pour un service de télévision qui n'a pas encore vu le jour, n'est pas quelque chose que l'on peut quantifier selon un modèle mathématique d'une rigueur extrême ».

2. Délibération du 10 février 2004 relative à la protection de l'enfance et de l'adolescence à l'antenne des services de radiodiffusion sonore.

3. Il s'agit d'un recours de pleine juridiction, et non d'un recours pour excès de pouvoir. En effet, aux termes des dispositions de l'article 42-8 de la loi du 30 septembre 1986 : « Les éditeurs et les distributeurs de services de communication audiovisuelle peuvent former un recours de pleine juridiction devant le Conseil d'État contre les décisions du Conseil supérieur de l'audiovisuel prises en application des articles 17-1, 42-1, 42-2 et 42-4 ».

4. Cet arrêt constitue une illustration de ce qu'est le degré de contrôle du juge administratif à l'égard des sanctions prononcées par le Conseil. En effet, l'office du juge de plein contentieux, qui comprend un pouvoir de réformation et de substitution, le conduit à complètement contrôler la sanction (CE, 10 juillet 1995, Société TF1). Le juge est amené à substituer entièrement son appréciation à celle de l'autorité de sanction, non seulement en ce qui concerne le principe d'une sanction mais également en ce qui concerne sa nature et sa gravité eu égard aux manquements commis. Ce fut le cas, par exemple, dans l'affaire « SA La Cinq » : alors que le CSA avait condamné la société à verser une somme de 5 millions de francs à la suite de la diffusion de films à caractère érotique aux heures de grande écoute, le Conseil d'État a considéré qu' « eu égard à la gravité du manquement et aux avantages que la société en a retiré, il [serait] fait une juste appréciation du montant de la sanction pécuniaire encourue par la société La Cinq (...) en le fixant à 3 millions de francs » (CE, 11 mars 1994, SA "La Cinq ").

 

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