V - L'activité contentieuse
Le
contentieux relatif à l'attribution de fréquences
de radiodiffusion sonore
Les
autres contentieux
Les procédures d'urgence
Compte tenu du nombre important de décisions
que le Conseil prend chaque année dans le domaine de la radiodiffusion
sonore, le contentieux de l'attribution de fréquences dans
ce secteur demeure abondant.
Il a notamment donné
lieu, en 2002, à un arrêt de la section du contentieux
du Conseil d'État sur l'application du critère de
l'expérience acquise.
Les autres contentieux
ont porté sur le refus du CSA d'adresser une recommandation
aux sociétés nationales de programme pour le traitement
des débats suscités par la sortie en salles du film
« Baise moi », quelques décisions prises sur le
fondement des articles 42 et suivants de la loi du 30 septembre
1986 modifiée, et la qualification des œuvres européennes
et d'expression originale française avec l'affaire du film
d'animation « Le Journal d'Anne Frank ».
Sans oublier, naturellement,
les nombreux recours en référé qui ont jalonné
cette année 2002.
|
Le contentieux relatif
à l'attribution de fréquences de radiodiffusion
sonore
La jurisprudence du
Conseil d'État dans ce domaine a permis de préciser
les conditions de recevabilité des dossiers soumis au CSA
lors des opérations d'appel aux candidatures lancées
sur le fondement de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986
modifiée.
Le juge administratif
a par ailleurs rendu plusieurs décisions concernant l'application
des critères de sélection de l'article 29 de la
loi de 1986. Ces nouvelles décisions apportent de précieuses
indications à l'autorité de régulation pour
la mise en œuvre des critères du pluralisme des courants
d'expression socioculturels, de la diversification des opérateurs,
de l'expérience acquise ainsi que du financement et des
perspectives d'exploitation.
LA RECEVABILITÉ
DES DOSSIERS DE CANDIDATURE
2e et
5e alinéas de l'article 29 de la loi :
« Pour les zones géographiques et les catégories
de services qu'il a préalablement déterminées,
le Conseil publie un appel aux candidatures. Il fixe le délai
dans lequel les candidatures doivent être déposées.
[...] À l'issue du délai prévu
[...] , le Conseil supérieur de l'audiovisuel
arrête la liste des candidats ».
Avant de procéder
à un examen au fond des dossiers qui lui ont été
adressés dans le cadre d'un appel aux candidatures pour
l'attribution de fréquences de radiodiffusion sonore,
le Conseil doit s'assurer que ceux-ci répondent aux conditions
de recevabilité fixées par sa décision
d'appel. Il s'agit là d'une étape importante de
la procédure, la sélection au regard des critères
légaux ne pouvant s'opérer qu'à partir
d'une liste de candidats préalablement déclarés
recevables.
L'appartenance à
une catégorie de service radiophonique (Les cinq catégories
de services radiophoniques définies par le Conseil supérieur
de l'audiovisuel sont les suivantes : - catégorie A :
services locaux associatifs éligibles au Fonds de soutien
à l'expression radiophonique ; - catégorie B :
services locaux ou régionaux indépendants ne diffusant
pas de programme national identifié ; - catégorie
C : services locaux ou régionaux diffusant le programme
d'un réseau thématique national ; - catégorie
D : services thématiques à vocation nationale
; - catégorie E : services généralistes
à vocation nationale.) non prévue par la décision
d'appel aux candidatures figure notamment parmi les conditions
de recevabilité des dossiers. Dans deux décisions
du 11 mars 2002, le Conseil d'État a ainsi considéré
que « le CSA a compétence pour
énumérer les catégories de services faisant
l'objet de l'appel aux candidatures et pour déterminer
les caractéristiques permettant de définir chacune
de ces catégories » (CE 11 mars 2002 Société
Europe 1 Communication, Req. no 222 219 et no
224 867.).
Il s'agit là
de la confirmation d'une jurisprudence déjà bien
établie (CE 18 février 1994 Société
Performance SA RFM et autres, Rec. p. 91. CE 27 juin 1997 Société
NRJ, Rec. p. 268.). Le Conseil supérieur de l'audiovisuel
est ainsi fondé à rejeter pour irrecevabilité
toute candidature qui ne remplirait pas les conditions posées
par l'appel (CE 9 septembre 1994 Association Aix FM, Req. no
142 210.). Une autorisation délivrée en méconnaissance
d'une prescription fixée par l'appel aux candidatures
serait en effet entachée d'illégalité (CE
25 mars 1994 Association Porte-Voix, Rec. tables p. 1169.).
Le CSA peut enfin prévoir que «
des candidatures présentées dans plus d'une catégorie,
mais intéressant en fait le même projet de service
seront rejetées » (CE 17 mars 1997 Société
NRJ, Req. no 142 429.). Le strict respect des conditions
de recevabilité reste ainsi primordial afin d'assurer
l'égalité des candidats.
L'APPLICATION DES
CRITÈRES DE SÉLECTION
Pour apprécier
l'intérêt relatif de chacun des dossiers présentés
dans le cadre d'un appel aux candidatures portant sur plusieurs
zones, le juge administratif a rappelé que le CSA pouvait
procéder à un examen zone par zone, pourvu que
l'ensemble des autorisations et des refus soient décidés
lors d'une seule et même séance plénière
pour chaque zone d'attribution. Aucun délai particulier
n'est ainsi imposé à l'autorité de régulation
pour statuer sur l'ensemble des demandes d'un candidat, et la
délivrance d'une autorisation dans une zone géographique
donnée ne saurait être regardée comme valant
rejet implicite des candidatures soumises dans d'autres zones
examinées postérieurement (CE 22 novembre 2002
Société Vortex, Req. no 215 315.).
Le juge admet par
ailleurs que la motivation du rejet d'une candidature figure
sur un document joint à la lettre de notification adressée
à l'opérateur. Cette annexe peut, en particulier,
prendre la forme d'un tableau de motivation, tel que ceux adressés
habituellement par le Conseil supérieur de l'audiovisuel
aux opérateurs dont la candidature n'a pas été
retenue (CE 10 avril 2002 Société Canal 9, Req.
no 213 281.).
De plus, le simple
fait que la décision attaquée ne mentionne que
certains des critères de l'article 29 de la loi de 1986
ne suffit pas à établir que l'instance de régulation
se soit abstenue d'examiner la demande au regard de l'ensemble
de ces critères (CE 14 juin 2002 Société
Vortex, Req. no 213 282 et no 213 183.).
Sur ce point, le Conseil d'État confirme une jurisprudence
déjà ancienne et bien établie (CE 17 octobre
1990 Association Tropic FM Graden, Req. no 96 375.).
L'essentiel est que la décision notifiée à
l'intéressé lui permette de déterminer
celui des critères auquel sa candidature ne satisfait
pas ou satisfait moins bien que celles qui ont été
retenues (CE 18 mai 1990 Association arménienne d'aide
sociale, Rec. p. 128.).
Plusieurs décisions
rendues par le Conseil d'État au cours de l'année
2002 apportent en outre un nouvel éclairage pour la mise
en œuvre des critères du pluralisme des courants d'expression
socioculturels, de la diversification des opérateurs,
de l'expérience acquise ainsi que du financement et des
perspectives d'exploitation prévus par l'article 29 de
la loi du 30 septembre 1986 modifiée.
Les critères
du pluralisme des courants d'expression socioculturels et
de la diversification des opérateurs
8e alinéa de l'article 29 de la loi :
« Le Conseil accorde les autorisations en appréciant
l'intérêt de chaque projet pour le public, au
regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde
du pluralisme des courants d'expression socioculturels, la
diversification des opérateurs [...]
».
Dans un arrêt
du 10 avril 2002, le Conseil d'État a jugé qu'en
application du principe de la « diversité
des programmes », qui «
se rattache aux critères de sauvegarde du pluralisme
des courants d'expression socioculturels et de diversité
des opérateurs », le CSA se trouve fondé
à écarter la candidature d'un service musical
thématique, dépourvu de tout décrochage
local, au profit d'un service concurrent offrant un programme
d'intérêt local mieux à même de
répondre aux attentes du public de la zone concernée
(CE 10 avril 2002 Société Canal 9, Req. no
213 281.).
Le respect du
principe du pluralisme des courants d'expression socioculturels
suppose ainsi que l'instance de régulation privilégie
les services qui proposent un programme d'intérêt
local susceptible de satisfaire le plus large public dans
la zone concernée. Il en va de même de ceux qui
présentent un « format totalement
inédit » dans la zone (CE 14 juin 2002 Société
Vortex, Req. no 213 282 et no 213 283.).
Le juge avait dégagé des solutions analogues
dans plusieurs arrêts antérieurs, en invitant
le CSA à accorder sa préférence, au nom
de la diversité des programmes, aux services locaux
(CE 6 mai 1996 Association Evasion, Req. no 158
205. CE 27 juin 1997 SARL Cirtes, Rec. tables p. 1056.) ou
à ceux correspondant à un format inédit
(CE 27 mars 2000 Société d'exploitation de Radio
Finance, Req. no 198 349.).
Le recours en
annulation formé par l'association Oxygène contre
l'autorisation accordée à la SAS FG Concept
à Paris a d'ailleurs permis de confirmer cette interprétation.
Le Conseil d'État a admis, en effet, qu'en proposant
un programme original axé sur les musiques nouvelles,
la candidature de la SAS FG Concept «
contribuait davantage à la diversité des programmes
radiophoniques proposés aux auditeurs parisiens »
que le projet présenté par la requérante
(CE 29 juillet 2002 Association Oxygène, Req. no
235 611 mentionnée aux tables.).
L'application
du critère du pluralisme sera toutefois différenciée
en fonction des caractéristiques de la zone concernée.
Le CSA retiendra ainsi la candidature d'un service proposant
un programme de variété plutôt que celle
d'un opérateur dont la thématique musicale,
orientée sur le « rap »,
s'adresse à une moindre partie de la population d'une
zone rurale (CE 22 novembre 2002 Société Vortex,
Req. no 215 315.).
Le critère
de l'expérience acquise
9e alinéa de l'article 29 de la loi :
« Il tient également compte : 1o de l'expérience
acquise par le candidat dans les activités de communication
[...]. »
La mise en œuvre
de ce critère secondaire a toujours été
problématique et a fait l'objet d'un contentieux abondant
par le passé. Ce sont sans doute ces considérations
qui ont amené la Section du contentieux du Conseil
d'État à prendre position en la matière.
Le juge administratif avait déjà considéré,
en 1998, que le critère de l'expérience acquise
est « relatif au professionnalisme
des opérateurs » (CE 6 avril 1998 Société
Canal 9, Req. no 181 643. CE 6 avril 1998 Société
Vortex, Req. no 181 644. CE 23 septembre 1998 Société
Canal 9, Req. no 186 345. CE 23 septembre 1998
Société Vortex, Rec. p. 1150. CE 23 septembre
1998 Société Serc Fun Radio, Req. no
186 399.). L'antériorité d'implantation d'un
opérateur dans la zone d'attribution de fréquences
n'est donc pas une indication pertinente pour l'appréciation
de sa candidature au regard dudit critère. Cette interprétation
avait été confirmée par deux arrêts
du Conseil d'État rendus en 2001 (CE 14 mars 2001 Association
Radio Uylenspiegel, Req. no 213 517. CE 23 mars
2001 Société Canal 9, Req. no 200
050.).
Dans sa décision
de section du 13 décembre 2002, concernant la société
Radio Monte-Carlo, le Conseil d'État a décidé
qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que la
requérante « présente
des garanties de professionnalisme moindres que la radio retenue
», en l'occurrence Nostalgie (CE 13 décembre
2002 Société Radio Monte-Carlo, Req. no
221 827 publiée au Recueil.). Une perte significative
d'audience sur le plan national, par exemple, n'est pas en
soi révélatrice d'un manque de professionnalisme.
Le critère
du financement et des perspectives d'exploitation
9e alinéa de l'article 29 de la loi :
« Il tient également compte : 2o du financement
et des perspectives d'exploitation du service, notamment en
fonction des possibilités de partage des ressources
publicitaires entre les entreprises de presse écrite
et les services de communication audiovisuelle [...].
»
Ce critère
dit de la « viabilité économique
» fait partie des critères secondaires auxquels
le CSA doit se référer lors de la sélection
des candidatures pour l'attribution de fréquences de
radiodiffusion sonore. Dans un arrêt du 3 avril 2002,
le Conseil d'État a ainsi rappelé qu'au moment
de la sélection des dossiers de candidature, le Conseil
supérieur de l'audiovisuel doit, non seulement vérifier
l'intérêt de chaque projet pour le public, mais
aussi prendre en compte l'ensemble des autres critères
énoncés par l'article 29 de la loi de 1986,
notamment le financement et les perspectives d'exploitation
du service. L'autorité de régulation devait
ainsi écarter la candidature de la société
Poindiff, affiliée au réseau Skyrock appartenant
à la société Vortex, dès lors
qu'un désaccord survenu entre les intéressés
« était susceptible de faire
obstacle à l'exploitation du service dans des conditions
normales » (CE 3 avril 2002 Société
Vortex, Req. no 230 057 mentionnée aux tables.).
Cette décision
s'inscrit dans la logique de l'arrêt SARL Contact distribution
de 1994 (CE 28 septembre 1994 SARL Contact distribution et
autres, Rec. tables p. 1169.). Dans cette affaire, le CSA
avait rejeté la candidature de la SARL Contact distribution
« en raison de graves dissensions
» avec la société Vortex, son franchiseur.
Le Conseil d'État avait alors validé cette décision,
estimant que le Conseil supérieur de l'audiovisuel
n'avait commis aucune erreur de droit, même si le tribunal
de commerce de Paris, par un jugement du 12 décembre
1990 devenu définitif, avait rejeté la demande
de la société Vortex tendant à faire
constater la nullité du contrat d'affiliation. Ainsi,
pour le juge administratif, dès lors qu'il existe un
grave désaccord entre le franchiseur et son affilié,
le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne peut que rejeter
la candidature de ce dernier sur le fondement du 2o du 9e alinéa de l'article 29 de la
loi de 1986.
Enfin, le 5 juin
2002, le Conseil d'État s'est prononcé sur la
question du partage des ressources publicitaires sur le plan
local, dans le cadre d'une affaire concernant la SA Challenge
Radio Vibration. Le juge administratif a ainsi jugé
qu'en « rejetant, pour un motif tiré
de la répartition des ressources publicitaires entre
les seuls services de radiodiffusion, la candidature de la
SA Challenge Radio Vibration, [...]
le Conseil supérieur de l'audiovisuel s'est fondé
sur un critère qui n'est prévu par aucune disposition
législative ou réglementaire » (CE
5 juin 2002 SA Challenge Radio Vibration, Req. no
202 221 mentionnée aux tables.). Dans cet arrêt,
le juge rappelle donc au CSA qu'il doit, pour la mise en œuvre
du critère de la viabilité économique,
procéder à une analyse globale du marché
de la publicité locale, tous médias confondus.
Les autres contentieux
LE CONTENTIEUX DES
RECOMMANDATIONS ADOPTÉES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE
1er DE LA LOI DE 1986
Par une décision
du 18 décembre 2002, le Conseil d'État a rejeté
la requête présentée par l'association Promouvoir
dirigée contre une décision implicite du CSA refusant
d'adresser aux sociétés nationales de programme
Radio France et France Télévisions une recommandation
relative au respect du pluralisme dans le traitement de l'affaire
faisant suite au retrait du visa d'exploitation du film
Baise moi (CE 18 décembre 2002 Association Promouvoir,
Req. no 232 273 publiée au Recueil.).
Le juge a ainsi
rappelé que le Conseil supérieur de l'audiovisuel
dispose d'un « large pouvoir d'appréciation
» et de moyens variés, autres que la recommandation,
pour inviter les opérateurs à respecter les obligations
qui leur sont imposées. Il a estimé que, compte
tenu des circonstances de l'espèce, l'instance de régulation
n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation
en refusant d'adresser une recommandation aux sociétés
nationales de programme Radio France et France Télévisions,
« plus de cinq mois après les
faits litigieux ».
LE CONTENTIEUX DES
DÉCISIONS PRISES SUR LE FONDEMENT DES ARTICLES 42 ET
SUIVANTS DE LA LOI DE 1986
Préalablement
à l'exercice de son pouvoir de sanction, le Conseil supérieur
de l'audiovisuel est conduit à prendre des décisions
de mise en demeure à l'égard des opérateurs
qui ne respecteraient pas les obligations qui leur sont imposées
par les textes législatifs et réglementaires,
par les principes définis à l'article premier
de la loi de 1986 (article 42 de la loi de 1986) ou découlant
de leurs propres engagements conventionnels.
Il peut en outre
infliger des sanctions à ces mêmes opérateurs,
telle que la suspension de leur autorisation ou d'une partie
de leur programme pour une durée maximale d'un mois (article
42-1 de la loi de 1986).
La loi du 30 septembre
1986 modifiée donne enfin compétence à
l'instance de régulation pour examiner toute modification,
intervenant notamment dans la composition du capital social
ou des organes de direction et dans les modalités de
financement, susceptible de remettre en cause l'autorisation
initialement délivrée à un service de communication
audiovisuelle. L'exercice d'un tel contrôle peut aboutir
soit à une décision d'agrément, soit au
retrait pur et simple de l'autorisation (article 42-3 de la
loi de 1986).
Les décisions
de mise en demeure (article 42 de la loi de 1986)
Le 30 décembre
2002, le Conseil d'État a rejeté la demande
de la société Vortex tendant à l'annulation
de la décision du CSA du 15 mai 2001 la mettant en
demeure de ne plus diffuser de propos susceptibles de porter
gravement atteinte à la dignité de la personne
humaine et de nuire à l'épanouissement physique,
mental ou moral des mineurs au sens des dispositions de l'article
15 de la loi de 1986 (CE 30 décembre 2002 Société
Vortex, Req. no 236 826 mentionnée aux tables.).
La décision contestée avait été
prise à la suite des propos outranciers, à caractère
violent et pornographique, tenus à l'antenne par des
animateurs de Skyrock à l'égard des candidates
du jeu Loft Story diffusé
sur M6.
S'agissant de
la légalité externe, le juge a notamment rappelé
qu'eu égard à son objet la mise en demeure
« n'est soumise à aucune procédure préalable
». Il a surtout estimé qu'une telle décision
n'a pas « le caractère d'une
accusation en matière pénale au sens de l'article
6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'Homme et des libertés fondamentales ».
Sur la légalité
interne, le Conseil d'État a considéré
que les propos « à caractère
sexuel, scatologique et violent [...]
diffusés à l'antenne de Skyrock [...]
, seraient-ils tenus dans une intention humoristique, entraient
dans le champ d'application des dispositions du 4 e alinéa de l'article 15 de
la loi du 30 septembre 1986 modifiée ».
Les décisions
de sanction (article 42-1 de la loi de 1986)
Le Conseil d'État
a, par une décision du 29 juillet 2002 (CE 29 juillet
2002 Association Radio Deux Couleurs, Req. no 221
302 mentionnée aux tables.), rejeté le recours
de l'association Radio Deux Couleurs tendant à l'annulation
de la décision du 7 mars 2000 par laquelle le CSA a
suspendu son autorisation pour une durée d'un mois,
du 10 avril au 9 mai 2000. Cette sanction, motivée
par le non-respect du programme d'intérêt local
que l'opérateur s'était engagé à
diffuser quotidiennement, faisait suite à une mise
en demeure préalable du 18 novembre 1999.
Sur la légalité
externe, le juge a ainsi considéré que la requérante
n'était pas fondée à invoquer une prétendue
méconnaissance des droits de la défense, dès
lors que la mise en demeure « précisait
les faits qui lui étaient reprochés et les sanctions
applicables en cas de persistance des irrégularités
constatées » et qu'elle avait été
en mesure de présenter ses observations écrites.
Mais le Conseil d'État a surtout retenu qu'il n'y avait
pas eu « violation des stipulations
de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l'Homme et des libertés fondamentales
applicables aux décisions statuant sur le bien-fondé
de toute accusation en matière pénale au nombre
desquelles figure la sanction contestée ».
Ce faisant, le juge confirme l'applicabilité de l'article
6-1 de la Convention européenne précité
aux procédures de sanction mises en œuvre par
les autorités administratives indépendantes
(CE Sect. 3 décembre 1999 M. Didier, Rec. p. 399 ;
AJDA 2000 p. 126 chron. Mathias Guyomar et Pierre Collin ;
RFDA 2000 p. 584 concl. Alain Seban.). Cette jurisprudence,
initiée dans le cadre d'une affaire concernant une
décision du Conseil des marchés financiers,
s'étend désormais naturellement aux sanctions
prononcées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel,
qui ressortissent à la matière pénale
au sens de la Convention européenne.
Sur la légalité
interne, le Conseil d'État a considéré
que le principe de légalité des délits
et des peines n'avait pas été méconnu,
dès lors que la sanction avait été prononcée
sur le fondement des articles 21 et 22 de la convention du
15 octobre 1996 conclue entre l'opérateur et le Conseil
supérieur de l'audiovisuel. Le juge a en outre admis
que la décision attaquée n'était pas
fondée sur des faits matériellement inexacts,
puisque la persistance du manquement avait été
constatée par deux séries d'écoutes.
Le Conseil d'État a enfin remarqué qu'eu égard
à la gravité des manquements reprochés
et à leur répétition, la sanction contestée
ne présentait pas un caractère excessif et n'avait
pas été prise en méconnaissance de l'article
10 de la Convention européenne relatif à la
liberté d'expression.
Les décisions
d'agrément (article 42-3 de la loi de 1986)
Dans le cadre
d'un contentieux concernant l'association TSF-RP, dont le
conseil d'administration avait été renouvelé
de façon significative, le Conseil d'État a
validé de nouveau la procédure d'agrément
mise en place sur le fondement de l'article 42-3 de la loi
de 1986, en reconnaissant que le Conseil supérieur
de l'audiovisuel n'est pas tenu de retirer une autorisation
en cas de modification des données au vu desquelles
celle-ci a été délivrée (CE 16
janvier 2002 Association Paris Jazz, Req. no 212
892.). Seule une modification substantielle serait de nature
à entraîner un tel retrait. Or, pour le Conseil
d'État, un simple changement dans la composition du
conseil d'administration sans modification substantielle des
conditions de financement et du contenu des programmes ne
justifie pas un retrait de l'autorisation. Cette affaire s'inscrit
dans la lignée des arrêts
Société NRJ du 29 janvier 1993 et du 8
avril 1998 (CE Sect. 29 janvier 1993 Société
NRJ, Rec. p. 17. CE 8 avril 1998 Société NRJ,
Rec. p. 171.).
La même
solution a été réaffirmée à
propos de la modification du capital de la société
Télé Lyon Métropole (TLM), déférée
par la société de presse Lyon-Mag au contrôle
du juge de l'excès de pouvoir (CE 29 mai 2002 Société
Lyon-Mag, Req. no 222 112.). Pour rejeter la demande
de la requérante, le Conseil d'État a relevé
que le groupe Le Progrès, détenteur de 49,98
% du capital de cette télévision locale à
l'issue de l'opération contestée, figurait parmi
les actionnaires « à l'origine
de la société ». Dans ces conditions,
« compte tenu de l'ensemble des caractères
du service de télévision en cause, du maintien
ou du renforcement des obligations imposées à
la société et de l'absence de modification du
contenu et du format des programmes », le CSA a
pu légalement accorder son agrément, dans les
conditions prévues à l'article 42-3 de la loi
du 30 septembre 1986 modifiée.
L'opération
menée par le groupe Le Progrès n'a pas non plus
été jugée incompatible avec le dispositif
anti-concentrations de la loi de 1986. Il n'a pas davantage
été porté atteinte aux principes de la
libre concurrence et du pluralisme des courants d'expression
socioculturels, prévus à l'article 29 de la
loi de 1986. Le Conseil d'État a ainsi jugé
« qu'il ne ressort pas des pièces
du dossier [...] que la modification
de capital autorisée par le Conseil supérieur
de l'audiovisuel [...] , ait placé
la société Le Progrès dans une position
susceptible de permettre un abus de position dominante sur
le marché local de la publicité ». D'après le juge, les « engagements
souscrits par la société TLM en matière
d'indépendance de l'équipe rédactionnelle
de la chaîne » permettent enfin à eux
seuls d'assurer la sauvegarde du pluralisme.
LE CONTENTIEUX DE
LA QUALIFICATION DES ŒUVRES EUROPÉENNES ET D'EXPRESSION
ORIGINALE FRANÇAISE
Par une décision
du 15 novembre 2002, le Conseil d'État a rejeté
les demandes de la société Globe Trotter Network
tendant à l'annulation de la décision par laquelle
le CSA a refusé d'accorder au film d'animation
Le Journal d'Anne Frank les qualifications d'œuvre
d'expression originale française et d'œuvre européenne
(CE 15 novembre 2002 Société Globe Trotter Network,
Req. no 229 465, no 236 912 et no
244 287 publiées au Recueil.).
La principale difficulté
présentée par cette affaire résidait dans
le fait que, contrairement à ce qui se pratique pour
les autres types d'œuvres, il n'est pas possible de se
référer à une quelconque « langue
de tournage » pour procéder à la qualification
d'œuvre d'expression originale française d'un dessin
animé. Le juge administratif a donc validé le
raisonnement suivi par le Conseil supérieur de l'audiovisuel
et considéré que seuls les films d'animation comportant,
dès l'origine, une version en langue française
peuvent bénéficier de la qualification d'œuvre
originale française au sens de l'article 5 du décret
no 90-66 du 17 janvier 1990 modifié. Tel n'était
pas le cas du film d'animation Le Journal
d'Anne Frank, entièrement adapté d'une œuvre
originale intitulée Anne no Nikki,
initialement réalisée en anglais et en japonais
et exploitée au Japon ainsi que sur la Péninsule
coréenne dès 1995. Le fait que l'œuvre adaptée
en français soit protégée par les droits
d'auteurs en tant qu'œuvre composite demeure sans incidence
sur son éventuelle qualification au regard de l'article
5 du décret précité, le droit de l'audiovisuel
et celui de la propriété littéraire et
artistique répondant à deux logiques totalement
différentes. Le Conseil d'État a en outre estimé
que le film d'animation Le Journal d'Anne
Frank ne remplissait ni les critères artistiques,
ni les critères économiques requis par l'article
6 du décret précité pour l'obtention de
la qualification d'œuvre européenne.
|
Les procédures
d'urgence
Pour la deuxième
année consécutive, le nouveau référé
administratif institué par la réforme du 30 juin
2000 (Loi no 2000-597 du 30 juin 2000 (JO du 1er juillet
2000 p. 9948). entrée en vigueur le 1er janvier
2001, a connu un franc succès auprès des opérateurs
et des justiciables. Six recours en référé
ont ainsi été formés devant le Conseil d'État
en 2002, dont deux « référés-suspension
» (article L. 521-1 du code de justice administrative) et
quatre « référés-liberté »
(article L. 521-2 du même code).
Sur le terrain du
« référé-suspension », un nouveau
recours a été introduit par la SARL Saprodif Méditerranée
FM contre une décision de non-reconduction prise sur le
fondement de l'article 28-1 de la loi de 1986. Après le
rejet d'un « référé-liberté »
initial, le GIE Sport Libre a pour sa part emprunté la
voie du « référé-suspension » à
l'encontre de la délibération du 20 décembre
2001 par laquelle le conseil d'administration de la Ligue nationale
de football avait décidé de mettre en œuvre
une « procédure d'appel d'offres » portant sur
la commercialisation des droits sportifs à la radio. Dans
le cadre du « référé-liberté
» initial, le président de la Section du contentieux
du Conseil d'État s'était déclaré
compétent pour connaître de la légalité
des décisions de la Ligue nationale de football, dès
lors qu'elles ont pour effet de modifier unilatéralement
l'état du droit et sont l'expression des prérogatives
de puissance publique de la ligue. Il avait toutefois rejeté
la requête en estimant que l'illégalité susceptible
d'entacher la décision attaquée n'était pas
« manifeste » au sens de l'article L. 521-2 du code
de justice administrative (CE réf. 18 mars 2002 GIE Sport
Libre et autres, Req. no 244 081 publiée au
Recueil.). La Ligue ayant entre-temps renoncé à
l'appel d'offre contesté, les requérants se sont
finalement désistés de leur deuxième recours
en référé, introduit sur le fondement de
l'article L. 521-1 du code de justice administrative (CE réf.
11 avril 2002 GIE Sport Libre et autres, Req. no 244
760.).
Le « référé-liberté
» a enfin été surtout utilisé au printemps
2002, dans le cadre de la campagne en vue de l'élection
présidentielle. Les deux recours exercés par Pierre
Larrouturou, tendant à ce qu'il soit fait injonction au
CSA de garantir l'égalité de traitement des candidats,
ont ainsi été rejetés, faute pour le requérant
de pouvoir justifier détenir les 500 signatures prévues
au 2e alinéa du I de l'article 3 de la loi du
6 novembre 1962 relative à l'élection du président
de la République au suffrage universel. Le juge a cependant
reconnu que le principe du caractère pluraliste de l'expression
des courants de pensée et d'opinion constituait une
« liberté fondamentale » au sens de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative. Il a ainsi confirmé
la position déjà adoptée dans le cadre de
l'affaire Tiberi concernant les élections municipales à
Paris (CE réf. 24 février 2001 M. Jean Tiberi, Req.
no 230 611.). Le juge des référés
du Conseil d'État a par ailleurs rejeté la requête
de M. Meyet tendant à ce qu'il soit enjoint au CSA de faire
cesser les manquements au principe de l'égalité
entre les candidats à l'élection présidentielle
résultant, d'après lui, de l'émission
Les Guignols de l'info diffusée sur Canal+. Après
avoir rappelé les termes de l'article L. 521-2 du code
de justice administrative relatif au référé-liberté,
le juge a estimé que ces dispositions ne s'appliquaient
qu'aux « personnes dont une liberté
fondamentale viendrait à être méconnue de
façon grave et manifestement illégale par l'administration
». Le juge des référés a cependant
relevé qu'en l'espèce, le requérant ne justifiait
pas « en sa seule qualité d'électeur,
subir directement et personnellement l'atteinte à la liberté
fondamentale » dont il se prévalait, à
savoir « le libre exercice du suffrage
» (CE réf. 17 avril 2002 M. Meyet, Req. no
245 283 publiée au Recueil.).
Conclusion
Avec plus d'une
trentaine de décisions rendues par le Conseil d'État
dans le secteur de l'audiovisuel, dont seulement trois annulations,
l'année 2002 confirme une tendance déjà
observée dans le précédent rapport d'activité
du CSA à un accroissement significatif du nombre des
recours. Cette inflation du contentieux s'accompagne toutefois
d'une baisse de la qualité des recours, ou d'un durcissement
relatif des conditions de recevabilité.
Le Conseil d'État
a ainsi prononcé, sur le fondement de l'article R. 122-12
du code de justice administrative, deux désistements
d'office à l'encontre de requérants qui n'avaient
pas produit le mémoire ampliatif annoncé par leur
requête introductive d'instance dans le délai réglementaire
de quatre mois prévu à l'article R. 611-22 du
même code (CE ord. 4 septembre 2002 Association Radio
Cormorane, Req. no 241 844. CE ord. 25 septembre
2002 Monsieur Rousselet, Req. no 246 510.). Il a
en outre constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer
sur la requête dirigée par le parti écologiste
Les Verts contre une décision du président de
la Commission d'accès aux émissions de la campagne
officielle à la radio et à la télévision
en vue des élections législatives des 9 et 16
juin 2002, dès lors que ladite campagne se trouvait achevée
depuis plusieurs mois au jour où le juge s'est trouvé
amené à statuer (CE 22 novembre 2002 Les Verts,
Req. no 247 265.). Même solution en ce qui
concerne une requête du Syndicat de la presse quotidienne
régionale contre le communiqué no 414
par lequel le CSA avait autorisé l'accès des sites
internet à la publicité télévisée,
y compris ceux des entreprises relevant de secteurs interdits
de publicité à la télévision comme
la presse, la distribution, le cinéma et l'édition
littéraire. Après avoir constaté que le
communiqué attaqué avait déjà été
annulé par une décision du 3 juillet 2000 (CE
3 juillet 2000 Syndicat français des artistes interprètes,
Req. no 219 377 ; Syndicat national des techniciens
et réalisateurs, Req. no 219 048 ; Société
civile des auteurs réalisateurs producteurs et autres,
Req. no 218 358, no 218 458, no
219 038, no 219 262 et no 219 364 publiée
au Recueil., le Conseil d'État a ainsi estimé
que les conclusions de la requérante étaient devenues
sans objet (CE 14 juin 2002 Syndicat de la presse quotidienne
régionale, Req. no 220 250.).
Mais ce sont surtout
les décisions d'irrecevabilité qui retiennent
l'attention, en raison d'une part de leur nombre, et d'autre
part de leurs apports dans les définitions des notions
d'intérêt à agir et d'acte faisant grief.
De plus, en ce qui
concerne les conditions de recevabilité tenant à
la qualité du requérant, le Conseil d'État
est venu préciser, par deux arrêts successifs,
les contours de la notion d'intérêt à agir
dans le secteur de l'audiovisuel. Le juge a ainsi considéré
que le simple fait de se présenter comme
« un téléspectateur soucieux de la protection
de l'enfance » ne permet pas de justifier d'un intérêt
donnant qualité pour demander l'annulation d'une décision
du Conseil supérieur de l'audiovisuel estimant qu'une
vidéomusique du groupe Demon diffusée sur M6 et
MCM n'avait pas un caractère choquant tel que son retrait
de l'antenne puisse être exigé (CE 16 janvier 2002
M. Stiegler, Req. no 230 386 publiée au Recueil.).
N'a pas d'avantage d'intérêt à agir contre
la décision du CSA du 29 novembre 2000 portant reconduction
de l'autorisation délivrée à la société
Canal+, le requérant qui se borne à se présenter
comme « un ancien agent de l'établissement
public TéléDiffusion de France », lié
par convention avec ladite société (CE 11 mars
2002 M. Guinet, Req. no 230 667.).
Parmi les multiples
affaires examinées par le juge en 2002, la nature de
l'acte attaqué a enfin représenté l'une
des principales causes d'irrecevabilité. Le Conseil d'État
a ainsi confirmé que dans le cadre de la procédure
d'appel aux candidatures pour l'attribution de fréquences
de radiodiffusion sonore, la liste des candidats présélectionnés
constitue « une mesure préparatoire
» et n'a pas, par conséquent, le caractère
d'une « décision
faisant grief » susceptible d'être déférée
à la censure du juge de l'excès de pouvoir (CE
29 juillet 2002 Association Oxygène, Req. no
233 033 et no 233 034 mentionnée aux tables.).
La même solution s'impose en ce qui concerne le communiqué
par lequel le CSA informe l'ensemble des candidats à
l'attribution d'une autorisation pour l'exploitation d'un service
de télévision locale par voie hertzienne terrestre
sur l'état d'avancement de la procédure de sélection
et indique ceux avec lesquels il s'apprête à négocier
la convention prévue à l'article 28 de la loi
de 1986 (CE 29 juillet 2002 Société EDEPIS, Req.
no 211 689.). Le juge a en outre rejeté comme
irrecevables plusieurs requêtes dirigées contre
diverses lettres du président et du directeur général
du CSA équivalant à de simples
« mesures d'information » et qui, partant, n'avaient
pas le caractère de décisions faisant grief (CE
29 juillet 2002 M. Le Quintrec, Req. no 211 479.
CE ord. 10 octobre 2002 Madame Patricia Régnier, Req.
no 248 149. CE ord. 17 octobre 2002 Madame Sylvie
Neidinger, Req. no 244 170 et no 246 599.).
Ces dernières décisions ne font que confirmer
une jurisprudence constante (CE 13 janvier 1995 Société
TF1, Rec. p. 31. CE 4 octobre 1996 Conseil interprofessionnel
du vin de Bordeaux, Req. no 168 131, no
168 225, no 168 271, no 168 291, no
168 337, no 168 451 et no 168 994. CE
28 février 1997 Société TF1, Rec. tables
p. 1055.).
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