Une trop forte intensité sonore des messages publicitaires à la télévision fait souvent l’objet de plaintes des téléspectateurs. Encadrer les pratiques des chaînes, dépendantes des producteurs de contenus, a nécessité une réflexion technique approfondie permettant de :
- déterminer la méthode de mesure de l’intensité sonore ;
- garantir la faisabilité du contrôle a priori par les chaînes ;
- prendre en compte l’existant (programmes déjà enregistrés, programmes en direct,…).
Après concertation avec les acteurs de l’audiovisuel français, le CSA a adopté le 19 juillet 2011 des recommandations techniques précises ainsi qu’un calendrier dans lequel les chaînes, et donc les producteurs tant pour les messages publicitaires que pour les programmes, devront s’inscrire pour une amélioration progressive des conditions de confort auditif du téléspectateur.
Pourquoi la publicité est-elle trop forte ?
Le volume de la publicité
À réglage identique de la télévision, certaines séquences paraissent plus fortes que d’autres aux oreilles de certains téléspectateurs. Lorsqu’on baisse le son, toutes les amplitudes sonores sont diminuées à proportion de l’amplitude maximale permise. L’auditeur, lui, perçoit l’intensité sonore cumulée, et celle-ci peut varier de façon significative pour une même amplitude maximale. C’est ce que les producteurs des messages publicitaires exploitent par l’opération de compression dynamique du son, qui consiste à relever l’amplitude des fréquences qui sont utilisées en dessous du niveau maximal.
Cette pratique permet d’augmenter l’intensité perçue sans pour autant « augmenter le son » de la télévision et donc sans l’accord des téléspectateurs. Outre l’inconfort que présente cette pratique, elle est commercialement contre-productive bien qu’il soit difficile pour certains annonceurs de renoncer à mettre en avant leurs messages publicitaires par ce moyen. C’est pourquoi une régulation concertée représente un progrès pour tous les acteurs.
La concertation, mode opératoire privilégié
En 2008, le CSA a inauguré une nouvelle stratégie de régulation, via le lancement d’une coopération avec les éditeurs et avec l’aide de spécialistes audio. Il s’agit de mieux comprendre les phénomènes physiques en jeu et d’aider les éditeurs à se doter de moyens industriels pour gérer le son sans modifier notablement leurs procédures de validation ou de rejet de programmes. La coopération se poursuit en 2009 et 2010 au sein de sa Commission Technique des Experts du Numérique, pour aboutir en 2011 aux nouvelles recommandations du CSA.
La recommandation adoptée par le CSA le 19 juillet 2011 a fait l’objet d’une large concertation et fixe des orientations compatibles avec celles que retiennent les instances professionnelles françaises ou régulatrices européennes.
L'amélioration du confort d'écoute depuis 2012
Les recommandations
Le calendrier d’application des recommandations du CSA a permis une amélioration des pratiques dès le début de l’année 2012.
Ces recommandations, décrites dans la délibération du CSA n° 2011-29 du 19 juillet 2011, s’appliquent aux programmes en diffusion, et tiennent compte des efforts envisagés en production tels qu’établis dans les travaux menés par la CST avec la FICAM et le FAVN (Forum Audiovisuel numérique). En effet, les éditeurs, qui fournissent le service de diffusion, ont à composer avec les contenus prêts à diffuser (cassettes ou fichiers numériques) qui leur sont fournis : c’est pourquoi les recommandations tiennent compte de la date de production des programmes considérés.
La recommandation vise à homogénéiser l’intensité sonore des programmes et des messages publicitaires en fixant une valeur cible, en diffusion, à -23 LUFS, assortie de tolérances en fonction des types de programmes et de leur année de production.
Toutes les chaînes relevant de la régulation française doivent ainsi avoir une intensité sonore, en moyenne journalière, égale à -23 LUFS, ce qui permet de maîtriser les fortes variations de « volume » lors du passage d’une chaîne à une autre (zapping). Depuis le 1er janvier 2013, elles doivent également s’assurer que chaque programme diffusé respecte, selon sa nature et son année de production, les cibles suivantes :
Type de programme |
Paramètre |
Valeur cible |
Tolérance (en diffusion) |
||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Ensemble de la chaîne |
Intensité moyenne sur 24 h |
-23 LUFS |
|||||||
Messages publicitaires |
Intensité moyenne |
≤-23 LUFS |
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Intensité courte durée |
≤-20 LUFS |
||||||||
Programmes produits avant le 1er janvier 2012 |
|
||||||||
Programmes produits après le 1er janvier 2012 |
Intensité moyenne |
-23 LUFS |
±1 LU |
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Dynamique sonore dialogues |
|
||||||||
Niveau de LRA |
≤ 20 LU, si possible > 5LU |
Il est actuellement difficile d’effacer toute variation d’intensité sonore lors de la diffusion des messages publicitaires, dans la mesure où le déroulement normal du programme est interrompu. Les objectifs du CSA sont donc de s’assurer que les moments forts des publicités (souvent plus nombreux puisqu’elles consistent à transmettre un message séduisant en peu de temps) soient perçus, à terme, avec une intensité similaire à celle des moments forts des programmes interrompus, et que les différents constituants d’une grille de programmes se succèdent ainsi de façon plus harmonieuse.
Cette méthode permettrait aux chaînes de conserver une identité, une couleur sonore propre, tout en évitant aux téléspectateurs de changer de chaîne lors des coupures publicitaires.
Les rapports annuels
Chaque année, le CSA remet au Parlement un rapport sur le respect par les chaînes de télévision d’un volume sonore égal entre programmes télévisés et pages d’écrans publicitaires.
Entre 2012 et 2014, le CSA a remis trois rapports portant respectivement pour chacun d’entre eux :
- sur les travaux préalables à l’établissement de la méthode arrêtée par le CSA avec les acteurs sectoriels, sans faire état de résultats de mesures, ceux-ci devant être produits durant la période de 2012 et 2013 suite à des campagnes de constatation qui nécessitent un long travail d’enregistrement, de découpe et d’analyse de flux audiovisuels
- sur une méthodologie de mesure de l'intensité sonore des services de télévision, des programmes et des messages publicitaires, en concertation avec tous les membres du secteur. Le CSA a mis en œuvre cette méthodologie pour effectuer des mesures sur l'analyse de quelques heures de chaînes, dont notamment toutes les chaînes nationales diffusées sur la TNT. Avant les mesures proprement dites, les flux audiovisuels à analyser font l’objet d’un premier travail dit d’indexation qui permet d’identifier manuellement les différentes séquences (programme, message publicitaire, parrainage, etc.) constituant le service de télévision
- sur de nouvelles mesures de contrôle, avec une vigilance particulière sur les chaînes où l’intensité sonore éloignée de la valeur cible avait été identifiée lors des mesures de 2012 et 2013, mais aussi sur certaines chaînes faisant l’objet de plaintes de téléspectateurs.
Les campagnes de mesure
Afin de vérifier la bonne application de la délibération par les chaînes de télévision, une première campagne de mesure de l’intensité sonore a été organisée entre le mois de septembre 2012 et le mois de mars 2013 sur une centaine de chaînes diffusées sur différents réseaux (TNT, câble, satellite, ADSL). Elle a porté sur la mesure de l’intensité des messages publicitaires, des autopromotions, des jingles publicitaires, des parrainages et des programmes, et également sur la mesure sur 24 heures de services de télévision. Les résultats de cette campagne de mesure, ont permis de constater les réelles efforts des chaînes de la TNT pour appliquer la délibération, et que les inhomogénéités qui persistent sont présentes essentiellement chez certaines chaînes musicales et certaines chaînes étrangères diffusées sur des réseaux tiers (tels que l’ADSL, le câble ou le satellite).
Le CSA a mené une deuxième campagne de mesures sur l’année 2014. Une attention particulière a été portée sur les services de télévision qui, lors des mesures de 2012 et 2013, avaient obtenu des résultats éloignés des préconisations de la délibération. Les conclusions de cette nouvelle campagne de mesures sont dans l’ensemble encourageantes, puisque plusieurs de ces chaînes, notamment celles présentes sur la TNT, ont réalisé les efforts nécessaires pour mettre ses recommandations de 2011 en application, contribuant ainsi à améliorer le confort d’écoute des téléspectateurs. À l’inverse, le CSA note aussi l’absence d’actions d’autres chaînes (certaines chaînes musicales ou étrangères disponibles sur les réseaux des distributeurs). Le CSA a pris contact avec les éditeurs de services de télévision qui semblaient avoir des difficultés dans la gestion de l’intensité sonore de leurs programmes, afin de les encourager à prendre les moyens nécessaires à l’application de la délibération.
Les nouvelles pistes de travail et de réflexion
À l’occasion des travaux préliminaires relatifs à la délibération et à la mise en œuvre des campagnes de mesure, le CSA a noté des difficultés qui pouvaient réduire les efforts réalisés par les éditeurs, les annonceurs et leurs prestataires. La situation des distributeurs (ADSL, satellite, fibre optique, câble) qui peuvent, parfois sans le savoir, intervenir sur l’intensité sonore des services de télévision, mais aussi celle des constructeurs (téléviseurs, récepteurs, amplificateurs, etc.), peut modifier la qualité de la restitution sonore auprès du téléspectateur. Si ces interventions ne devraient, généralement, pas amener à une mise en exergue des séquences publicitaires, elles peuvent en revanche mener à des situations ou deux chaînes différentes seront en moyenne restituées avec des intensités très différentes, au point de devoir à nouveau se saisir en urgence de la télécommande, qu’il s’agisse de protéger ses propres oreilles, le voisin, les enfants qui dorment, ou encore ses haut-parleurs.
En outre, les autres supports proposant des contenus audio (DVD, Blu-Ray, radio, services de vidéo à la demande, etc.) peuvent encore faire l’objet de pratiques de « gonflage » du son, ou viser des niveaux sonores de restitution très différents, maintenant une forme d’inconfort pour l’auditeur. Sur internet, pour certains contenus audiovisuels proposés en Over The Top (OTT), la diffusion de messages publicitaires avant ou pendant la visualisation du programme, peut parfois perturber de manière importante le confort d’écoute de l’utilisateur : en effet, il arrive encore souvent que l’intensité sonore des publicités ne soit pas harmonisée, ni entre un message publicitaire et un autre, ni entre un message publicitaire et le programme qui suit.
Ces différentes situations font, et feront à nouveau, l’objet de remarques et suggestions de la part du CSA au législateur ainsi qu’au Gouvernement, d’autant que plus l’Union européenne de radio-télévision souhaite faire évoluer ses recommandations afin qu’une meilleure gestion de l’intensité sonore s’opère pour les services audiovisuels proposés sur internet.
Une meilleure information des chaînes ne relevant pas de la régulation française, ou des régulateurs européens auxquelles elles sont rattachées, pourrait également contribuer à améliorer le confort du téléspectateur. En effet, certaines chaînes étrangères ignorent les limites fixées aux chaînes françaises, ce qui peut rendre pénible la navigation au sein d’offres thématiques, notamment musicales, et conduit à ce que des chaînes régulées soient peu audibles en comparaison alors qu’au contraire elles privilégient une certaine qualité de son.
Quant aux chaînes de télévision, la qualité peut encore être améliorée afin d’éviter par exemple les dialogues peu audibles couverts par une musique de fond trop présente, aussi bien dans certains films que des programmes de variétés. Enfin, alors que de nouvelles formes de codage audio apparaissent, notamment les codages dits « par objets sonores », le CSA restera vigilant à ce qu’une offre homogène de télévision en termes d’intensité sonore, continue à être disponible pour le téléspectateur.
Les textes en vigueur
Les recommandations du CSA et celles des organismes professionnels s’inscrivent dans un cadre législatif et règlementaire qui impose la maîtrise du volume sonore sans toutefois déterminer de contraintes techniques précises.
- Article 14 du décret n° 92-280 du 27 mars 1992 modifié : « Le niveau sonore des séquences publicitaires ainsi que des écrans qui les précèdent et qui les suivent ne doit pas excéder, s’agissant notamment du traitement de la dynamique sonore, le niveau sonore moyen du reste du programme »,
- Article 27 de la loi du 30 septembre 1986 modifié par la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires : Un décret en Conseil d’État fixe les principes généraux définissant les obligations concernant « Le maintien à un niveau sonore constant des séquences publicitaires ainsi que des écrans qui les précèdent et qui les suivent »,
- Article 177 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement « Les chaînes de télévision respectent un volume sonore égal, qu’il s’agisse des programmes télévisés ou des pages d’écrans publicitaires. Chaque année, le Conseil supérieur de l’audiovisuel remet au Parlement un rapport sur le respect par les chaînes de télévision de cette obligation ».
À ce jour, il n’existe pas de dispositions portant sur la distribution des services de télévision ou encore sur les équipements permettant la restitution de ces services. Dans la mesure où la différence entre deux chaînes de télévision s’entend au sein d’une offre et que les récepteurs peuvent réaliser un traitement du son des chaînes reçues, il paraîtrait utile pour le CSA que ces deux activités (distribution et fourniture de matériel de réception) fassent également l’objet de règles concourant à améliorer la situation des téléspectateurs.