Le Conseil supérieur de l’audiovisuel,
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment ses articles 9 et 48 ;
Vu le décret du 13 novembre 1987 portant approbation des cahiers des missions et des charges de la société Radio France et de l’Institut national de l’audiovisuel ;
Vu le décret n° 2009-796 du 23 juin 2009 fixant le cahier des charges de la société nationale de programme France Télévisions ;
Vu le décret n° 2012-85 du 25 janvier 2012 fixant le cahier des charges de la société nationale de programme en charge de l’audiovisuel extérieur de la France ;
Vu la saisine du ministère de la culture et de la communication du 25 avril 2016 portant sur un projet de décret modifiant les cahiers des charges des sociétés nationales de programme France Télévisions, Radio France et la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France ;
Après en avoir délibéré le 4 mai 2016,
Emet l’avis suivant :
Les modifications des cahiers des charges des sociétés nationales de programme proposées par le Gouvernement visent à permettre le lancement de la nouvelle chaîne publique d’information en continu.
Cette chaîne sera éditée par la société France Télévisions en partenariat avec les autres sociétés nationales de programme, à savoir Radio France et France Médias Monde, et avec la participation de l’Institut national de l’audiovisuel (INA).
En propos liminaires, le Conseil rappelle que la création d’une chaîne publique d’information s’inscrit parfaitement dans les missions de service public, énumérées à l’article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, que doivent remplir les sociétés nationales de programme.
D’une part, ce projet permet d’offrir un nouveau mode d’exposition à la compétence reconnue des équipes responsables de l’information - régionale, ultramarine, nationale ou internationale - des sociétés nationales de programme.
D’autre part, ce projet illustre la capacité des sociétés de l’audiovisuel public - France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel - à mettre en commun des savoir-faire et des moyens pour améliorer l’offre éditoriale proposée au public.
Le Conseil relève que ce nouveau service ne pourra pas diffuser de messages publicitaires, ce qui est de nature à préserver l’équilibre économique du secteur, notamment pour les chaînes privées de même nature.
Enfin, le Conseil estime que le lancement d’une nouvelle chaîne doit être l’occasion, pour l’audiovisuel public, d’être exemplaire dans la mise en œuvre, sur celle-ci, des obligations prévues par l’article 43-11 de la loi : mettre en œuvre des actions en faveur de la cohésion sociale, de la diversité culturelle, de la lutte contre les discriminations, des droits des femmes et promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes.
Concernant les modifications des cahiers des charges de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde proposées par le Gouvernement
- Les principales modifications proposées par le Gouvernement concernent le cahier des charges de France Télévisions, qui assumera la responsabilité éditoriale de ce nouveau service.
Les propositions de modifications n’appellent pas d’observations de la part du Conseil.
Néanmoins, si le choix de prévoir un mécanisme de convention pour définir les modalités de coopération entre France Télévisions et les deux autres sociétés nationales de programme répond à un besoin légitime de souplesse, le Conseil demande à être destinataire de chacune de ces conventions et de leurs éventuels avenants, ce qui est nécessaire au bon exercice de ses missions. Il propose de fixer cette obligation dans les différents cahiers des charges.
Concernant l’accessibilité des programmes, le Conseil estime que le prochain contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions devra fixer des obligations identiques à celles des autres chaînes du groupe France Télévisions.
- Le Gouvernement envisage également de modifier, à la marge, les cahiers des charges de Radio France et de France Médias Monde.
Les propositions de modifications n’appellent pas d’observations de la part du Conseil, sous réserve de l’observation formulée ci-dessus concernant la transmission des conventions conclues entre les sociétés nationales de programme.
Dans le cadre de la mise à disposition, au bénéfice de la chaîne publique d’information, de programmes réalisés par France Médias Monde et Radio France, le Conseil rappelle que la responsabilité éditoriale de ceux-ci relève de la société France Télévisions, quelle que soit l’identification visuelle de ces programmes à l’écran.
Propositions complémentaires du Conseil supérieur de l’audiovisuel
Le Conseil estime que le cahier des charges de France Télévisions gagnerait à être complété : il considère en effet que celui-ci présente des insuffisances en matière de respect des droits et libertés, au regard des conventions des chaînes privées d’information en continu.
Le Conseil propose ainsi que soient ajoutées des dispositions précises relatives :
- à la nécessaire prudence requise lors de la diffusion d’informations ou d’images concernant une personne en situation de péril ;
- au fait de veiller à ne pas inciter à des pratiques ou des comportements délinquants ou inciviques.Dans ce cadre, l’article 35 du décret fixant le cahier des charges de France Télévisions pourrait être complété comme suit : « La société veille dans ses programmes à ne pas inciter à des pratiques ou comportements délinquants ou inciviques ».
Le 1er alinéa de l’article 36 du cahier des charges de France Télévisions pourrait être également complété par l’ajout, après « France Télévisions veille au respect de la personne humaine et de sa dignité », des mots suivants : « La société respecte les droits de la personne relatifs à sa vie privée, son image, son honneur et sa réputation tels qu'ils sont définis par la loi et la jurisprudence.
La société veille en particulier :
- à ce qu'il soit fait preuve de retenue dans la diffusion d'images ou de témoignages susceptibles d'humilier les personnes ;
- à éviter la complaisance dans l'évocation de la souffrance humaine, ainsi que tout traitement avilissant ou rabaissant l'individu au rang d'objet ;
- à ce que le témoignage de personnes sur des faits relevant de leur vie privée ne soit recueilli qu'avec leur consentement éclairé.Elle fait preuve de mesure lorsqu'elle diffuse des informations ou des images concernant une victime ou une personne en situation de péril ou de détresse. »
Le présent avis sera publié au Journal Officiel de la République française.
Pour le Conseil supérieur de l’audiovisuel :
Le Président,
O. SCHRAMECK