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Texte juridique

Avis du 6 septembre 2005 sur le projet de décret relatif à la procédure de règlement des différends

Publié le

Avis n° 2005-9 du 6 septembre 2005 relatif au projet de décret pris pour l'application de l'article 17-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et relatif à la procédure de règlement des différends auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel
 

La loi du 9 juillet 2004 a élargi les compétences du CSA au pouvoir de régler tout différend relatif à la distribution d'un service de radio et de télévision, y compris en ce qui concerne les conditions techniques et financières de sa mise à la disposition du public. Le CSA comme le Conseil de la concurrence, dans les avis qu'ils avaient rendus au gouvernement sur le projet de loi sur les communications électroniques, avaient exprimé le souhait que ce pouvoir soit conféré au CSA, à l'image de celui dont sont dotées les autres instances de régulation sectorielles.

Il s'agit, pour le Conseil, de régler dans des délais rapides (deux ou quatre mois) des conflits qui, s'ils perduraient, provoqueraient des situations de blocage préjudiciables aux téléspectateurs, aux éditeurs ou aux diffuseurs. Le paysage audiovisuel, avec l'arrivée de la TNT et l'émergence de nouveaux supports, ne pourra en effet se développer de façon harmonieuse qu'à partir du moment où une procédure efficace de règlement des éventuels conflits entre les acteurs sera mise ne place.
Les critères d'appréciation du Conseil, inscrits dans l'article 17-1 de la loi, sont les critères applicables pour l'ensemble de ses missions : respect du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion, sauvegarde de l'ordre public, exigences de service public, protection du jeune public, dignité de la personne humaine, qualité et diversité des programmes ; caractère objectif, équitable et non discriminatoire des conditions de la mise à disposition du public de l'offre de programmes ou des relations contractuelles entre un éditeur et un distributeur de services.
Les décisions du Conseil prises dans le cadre de règlements de différends seront exécutoires et entraîneront, si nécessaire, la modification des conventions et des autorisations. Elles pourront faire l'objet d'un recours devant le Conseil d'État.
L'article 17-1 dispose que les modalités d'application de la procédure seront détaillées dans un décret pris en Conseil d'État. À la différence des autres instances de régulation, pour lesquelles la procédure de règlement des conflits relève du seul règlement intérieur.

Le 27 juin 2005, le ministre de la Culture et de la Communication a saisi le CSA pour avis sur un projet de décret pris pour l'application de cet article. La procédure décrite dans le projet de décret se rapproche fortement de celle définie pour l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) ou de la Commission de régulation de l'électricité (CRE), avec notamment la désignation d'un rapporteur parmi les agents de l'administration et un jugement par le Collège.

Dans l'avis qu'il a rendu le 6 septembre 2005, le CSA souligne en particulier la nécessité d'articuler cette nouvelle procédure avec celle prévue au I de l'article 34 de la loi, qui donne au CSA le pouvoir d'intervenir sur le plan de services d'un distributeur.
Le Conseil propose également de préciser le rôle du rapporteur, de la direction générale du Conseil et du Collège dans cette procédure.
 

Texte de l'avis du CSA :
 
Saisi pour avis d'un projet de décret pris pour l'application de l'article 17-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, après en avoir délibéré, formule les observations suivantes.
 

I. Observations générales
 
Le CSA relève en premier lieu que l'ensemble des motifs susceptibles de justifier sa saisine dans le cadre de la procédure de règlement des différends prévue à l'article 17-1 de la loi de 1986 sont également susceptibles de le conduire à s'opposer à l'exploitation ou à la modification de l'offre d'un distributeur de services, en application de l'avant-dernier alinéa du I de l'article 34 de la même loi.
Dès lors que la loi a prévu la coexistence de ces deux procédures, les articles qui les fondent doivent être appliqués et interprétés dans des conditions garantissant leur compatibilité. Or, leur articulation suscite un certain nombre d'interrogations.
 
Ainsi, la question se pose de la possibilité pour le CSA, à travers un règlement de différends, de remettre en cause la décision implicite d'acceptation née, en l'absence de réaction de sa part, dans le cadre prévu au I de l'article 34 de la loi.
Le CSA note à cet égard que l'article 17-1 prévoit qu'à l'occasion de la décision rendue sur un règlement de différends, "le cas échéant, le conseil modifie en conséquence les autorisations délivrées". Il en tire comme conclusion que l'article 17-1 doit être interprété comme autorisant le CSA, le cas échéant, à remettre en cause les éventuelles décisions implicites d'acceptations des offres déclarées, au-delà du délai de quatre mois prévu par la jurisprudence pour le retrait des décisions individuelles créatrices de droits.
Par ailleurs, l'absence d'opposition du CSA après notification de l'offre pourrait être interprétée comme une validation qui pourrait ensuite restreindre sur le fond les capacités d'intervention du CSA dans le cadre du règlement de différends. Cependant, l'éventuelle opposition du CSA à l'exploitation ou à la modification d'une offre de services constitue une simple faculté. Il lui est ainsi loisible, en opportunité, de ne pas s'opposer à l'exploitation ou à la modification d'une offre qui ne serait pas compatible avec les principes prévus aux articles 1er, 3-1 et 15. En conséquence, le CSA estime que l'absence d'opposition de sa part n'implique pas qu'il ait considéré l'offre comme conforme à ces principes et ne fait donc pas obstacle à ce qu'il prenne ensuite une décision remettant en cause la validité de cette offre.
Pourrait également se poser la question de la compatibilité des décisions prises dans le cadre du règlement des différends avec le principe d'impartialité, au sens de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, le CSA étant conduit à procéder à un double examen de la conformité d'une offre avec les principes prévus par la loi, d'abord au titre de l'application de l'article 34 puis au titre de l'article 17-1. Sur ce point, il importe de relever que les deux procédures n'ont pas le même objet et qu'en conséquence, la première décision ne saurait être considérée, au regard de la jurisprudence de la Cour, comme un "pré-jugement" mettant en cause la possibilité d'une décision impartiale à l'occasion du règlement de différends.
 
En deuxième lieu, le CSA observe que, pour les autres autorités administratives indépendantes, la procédure de règlement des différends relève principalement ou exclusivement du règlement intérieur, ce qui permet une grande souplesse d'adaptation.
Pour le secteur audiovisuel, en revanche, la loi a renvoyé à un décret en Conseil d'Etat "les modalités d'application" de l'article 17-1 ; il en résulte que ce décret devrait comporter l'essentiel des règles de procédure, ce qui ne permettra pas de procéder régulièrement aux adaptations qui pourraient se révéler nécessaires, s'agissant d'une procédure nouvelle, au surplus enfermée dans des délais extrêmement brefs.
Le Conseil relève enfin que la brièveté des délais d'instruction, inférieurs à ceux prévus pour les autres autorités de régulation (ARCEP et CRE), emportera nécessairement des conséquences sur le déroulement de la procédure contradictoire, dont les modalités devront être adaptées aux délai fixés.
 

II. Observations sur le projet de texte proprement dit
 
Le dernier alinéa de l'article 1er mentionne que la liste des éléments devant figurer dans la saisine pourra être "précisée" dans le règlement intérieur du CSA. Il semble cependant préférable, dans un souci de sécurité juridique, que seules les modalités de transmission de la saisine et des pièces jointes puissent être précisées dans le règlement intérieur, et non la liste elle-même, dès lors qu'elle figure dans le décret.
 
L'article 2 organise le caractère contradictoire de la procédure, avec d'éventuels délais de réponse. Dans un souci de bonne administration, il pourrait être jugé préférable que la communication des pièces aux parties incombe au directeur général ou à une personne désignée à cet effet, et non au CSA lui-même.
Le second alinéa de l'article 2 permet utilement au CSA d'écarter sans instruction "les demandes entachées d'une irrecevabilité manifeste". Il serait utile que le décret précise qu'une telle décision doit être prise par le Conseil lui-même.
 
L'article 3 prévoit la désignation d'un rapporteur par le directeur général, parmi les agents du CSA. Il semble indispensable que le décret permette également le recours à un rapporteur extérieur, notamment dans l'hypothèse d'un dossier requérant une technicité particulière ou pour prévenir tout risque d'interférence avec un autre dossier en cours d'instruction.
Le deuxième alinéa de l'article 3 prévoit que le rapporteur ou son adjoint peut proposer au Conseil toute mesure utile d'instruction. Le choix du Gouvernement de mentionner le Conseil est notamment lié aux termes de l'article 19 de la loi, qui permet au Conseil de solliciter "des éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle, toutes les informations nécessaires pour s'assurer du respect des obligations qui sont imposées à ces derniers". Toutefois, la brièveté des délais d'instruction pourrait justifier que les mesures d'instruction puissent aussi bien relever de la compétence du rapporteur et de son adjoint que de celle du Conseil.
Par ailleurs, la notion de "mesure d'instruction" étant relativement imprécise, il serait souhaitable que cet alinéa mentionne expressément les mesures susceptibles d'être retenues, notamment la sollicitation de pièces aux parties en cours d'instruction, la possibilité de solliciter des avis ou des pièces de toute nature à des autorités publiques (administrations, autorités administratives indépendantes, collectivités publiques), ainsi que la possibilité de commander des expertises.
Il serait également utile que le décret précise que la communication des pièces aux parties, dans le cadre de la procédure contradictoire, s'effectue dans le respect des secrets protégés par la loi, sans que l'éventuelle occultation de certaines mentions lors de la transmission de pièces n'interdise au CSA de les utiliser pour fonder sa décision.
Le troisième alinéa prévoit que "le rapporteur ou son adjoint présente au Conseil, lors des séances d'examen, les conclusions et moyens des parties".
Cet alinéa pourrait utilement être déplacé à l'article 4 du projet de décret, relatif à l'organisation des séances d'examen, qui fait d'ailleurs référence au rôle du rapporteur ou de son adjoint au cours de ces séances.
Sur la rédaction même de l'alinéa, il pourrait être utile de lever toute ambiguïté sur la faculté du rapporteur et de son adjoint de s'exprimer conjointement au cours de la même séance. En outre, la question se pose de savoir si la formulation retenue n'est pas trop restrictive et ne fait pas obstacle à ce que le rapporteur ou son adjoint propose une orientation pour la solution du litige.
Le CSA estime en outre souhaitable que le décret permette au rapporteur ou au directeur général de fixer un calendrier prévisionnel, en début de procédure et en présence des parties, et qu'il confie au directeur général la clôture de l'instruction.
De même, il serait souhaitable que le décret précise la procédure selon laquelle le CSA pourrait solliciter la régularisation d'un dossier incomplet ou, à défaut, que le décret renvoie au règlement intérieur sur ce point.
Il conviendrait également que le directeur général puisse proposer au Conseil la clôture de la procédure, en cas de désistement de la partie plaignante ou d'accord survenu entre les parties avant le délibéré.
 
L'article 4 prévoit l'organisation des séances d'examen et des délibérations, en renvoyant largement au règlement intérieur les règles relatives au délibéré.
L'organisation de ces séances appelle plusieurs remarques :
- l'expression même de "séances d'examen" suscite des interrogations ; dès lors qu'il s'agit bien, pour chaque litige, de la séance au cours de laquelle seront examinés de manière contradictoire les moyens et observations des parties et à l'issue de laquelle le Conseil délibèrera, il semblerait préférable de retenir la notion d'audience (à titre d'exemple, l'article 14 du règlement intérieur de l'ARCEP est intitulé "audience devant le collège") ;
- le premier alinéa prévoit la présidence des séances d'examen par le président du CSA ; il pourrait être utile de prévoir la suppléance du président, en cas d'absence ou d'empêchement ;
- il serait utile que le décret comporte une disposition relative au caractère public ou non des séances ; la rédaction pourrait s'inspirer de celle du règlement intérieur de l'ARCEP, qui prévoit que l'audience est publique, sauf demande conjointe de toutes les parties et que, si la demande n'est pas conjointe, le collège délibère sur le caractère public de la séance ;
-  dans le cas d'affaires particulièrement complexes ou dans l'hypothèse où un argument nouveau serait porté tardivement à la connaissance du Conseil, il serait souhaitable que le décret permette au CSA de surseoir à statuer et de renvoyer à l'instruction.
 
L'article 5 précise que le délai de deux mois prévu par la loi court à compter de la réception d'un dossier complet et qu'il peut, ainsi que le prévoit l'article 17-1 de la loi, être porté à quatre mois "sur proposition du rapporteur". Cette dernière mention semble contraindre inutilement la procédure et aller au-delà des termes prévus par la loi.
 
Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française.