L'année 2018 va marquer un tournant dans le développement du DAB+, la technologie de la radio numérique terrestre. Afin d’accélérer ce développement, le Conseil supérieur de l'audiovisuel tire les enseignements d’un premier bilan. Il a ainsi sollicité les acteurs à travers une consultation publique (résultats de la synthèse ici).
Sur la base des réponses à cette consultation, il publie aujourd’hui de nouvelles modalités pour les appels à candidature ainsi qu'un nouveau calendrier (feuille de route ici). L'enjeu est d'importance. Comment mieux le comprendre ? Voici 12 clefs pour tout savoir sur le DAB+, cette technologie qui apporte une amélioration sensible au média radio.
1. Qu’est-ce que le DAB+ ?
La radio numérique terrestre, RNT ou DAB en anglais (Digital Audio Broadcasting) est, sous la norme mondiale DAB+, une technologie de modulation et de transmission numériques de la radio. En France, cette technologie utilise, à l’instar de la FM (feuille de route ici) ou de la TNT, le réseau de diffusion hertzien terrestre. Elle rencontre un grand succès dans les pays scandinaves, mais elle est également présente en Allemagne, en Angleterre, aux Pays-Bas…
2. Quelle bande de fréquences ?
Le DAB+ occupe la bande de fréquences VHF, dite aussi bande III, qui était utilisée par la télévision analogique, avant l’avènement de la TNT en 2005. Cette bande s’étend sur la plage 174-223 Mégahertz (MHz), tandis que la bande FM est située sur 87-108 MHz ; les deux technologies DAB+ et FM sont donc complémentaires l’une de l’autre : il n’est pas nécessaire de libérer la bande FM pour déployer le DAB+.
3. Pourquoi parler de DAB+ plutôt que de RNT ?
- Tout d’abord, parce qu’il est trompeur de rapprocher RNT et TNT. La TNT, quant à elle, s’est substituée à la télévision analogique, tandis que FM et DAB+ peuvent tout à fait coexister.
- Ensuite, pour éviter la confusion entre la RNT et la radio numérique en ligne accessible via internet, flux audio et podcast, ou entre la RNT et l’écoute en streaming sur les plateformes et les réseaux sociaux. Rien à voir !
- Enfin, en privilégiant l’appellation DAB+, on utilise une désignation reconnue aux niveaux européen et mondial et l’on met clairement en avant l’évolution technologique liée à une nouvelle norme numérique.
4. Quels sont les bénéfices du DAB+ ?
La norme DAB+ apporte des avantages substantiels, aux auditeurs comme aux radios.
Pour les auditeurs :
- son de meilleure qualité (« J’ai l’impression que quelqu’un joue de la guitare à côté de moi ») ;
- meilleure continuité d’écoute en mobilité (« Je ne perds pas ma radio préférée quand je conduis ») ;
- arrivée potentielle de nouvelles stations (« Pas mal cette nouvelle station électro ! ») ;
- enrichissement du flux audio par des données numériques associées (« J’ai adoré ce morceau et j’ai toutes les infos ! »).
Pour les radios :
- mutualisation des coûts de diffusion, du fait du regroupement sur une même fréquence au sein d’un multiplex ;
- extension de l’aire de couverture dans un contexte de saturation de la bande FM ; les radios nationales obtiendraient pour leur part une surface de couverture comparable à celle que leur offre aujourd’hui les Grandes Ondes, mais à un coût inférieur
- assurance d’une persistance pérenne dans le futur écosystème numérique tout IP, en synergie avec les réseaux mobiles 5G (technologie LTE).
5. Quelle organisation de la ressource hertzienne ?
Afin d’attribuer la ressource hertzienne de la bande III, le CSA procède par le lancement d’appels à candidatures. Chaque appel porte sur un ensemble spécifié de zones, dites allotissements. Un allotissement peut être d’envergure locale, étendue, ou métropolitaine. Il correspond, quelle que soit son emprise géographique, à une seule fréquence. Celle-ci doit être partagée entre treize radios au maximum, réunies au sein d’un même multiplex. Une radio donnée diffuse le même programme sur tous les émetteurs de l’allotissement sur lequel elle a été sélectionnée.
6. Quels découpages géographiques ?
En France, la planification de la bande III, celle du DAB+, est telle que tout point du territoire métropolitain est couvert par quatre « couches » : une couche locale, une couche étendue, et deux couches nationales recouvrant l’ensemble du territoire métropolitain.
- Les allotissements de la couche locale correspondent aux bassins de vie définis par l’INSEE. Ils sont donc très différenciés en termes de taille de population.
- Les allotissements de la couche étendue forment un découpage du territoire en vastes zones d’ampleur régionale, incluant chacune au moins une grande agglomération ainsi que les bassins de vie environnants.
- Les deux plus grands allotissements portent sur la totalité de l’hexagone avec une qualité de réception outdoor. Le taux effectif de couverture dépend du nombre d’émetteurs qui seront installés. Dans la configuration de base, sont couverts les 70 % de la population métropolitaine situés dans les plus grandes agglomérations et leur périphérie, ainsi que le long des axes routiers et autoroutiers reliant ces agglomérations ; dans cette configuration, le coût annuel de diffusion pour chacun des deux multiplex est estimé entre 10 et 12 millions d’euros, à partager entre treize radios.
7. Quelles leçons tirer des précédents déploiements ?
La trajectoire de déploiement jusqu’ici adoptée consistait à :
- mettre en réserve les deux allotissements de la couche nationale ;
- déployer systématiquement les allotissements des deux couches étendue et locale, en couvrant de manière homogène les bassins de vie les plus peuplés et les moins peuplés, selon un calendrier très progressif, par « paquets » de trois ou quatre zones, s’étalant jusqu’à la fin 2023.
Les premiers retours de terrain et les résultats de sélection des appels à candidatures ont révélé que les grandes radios n’adhéraient pas à ce schéma et que les petites rencontraient un très sérieux problème de solvabilité. Il fallait donc tout repenser, et très vite, pour donner un nouveau coup d’envoi.
8. Quelle inflexion stratégique ?
Réponse : le « plan des nœuds et des arcs ». L’objectif est désormais de faire « vite et viable », c’est-à-dire de mener à bien dans les trois ans (2018-2020) une première phase de déploiement du DAB+, partielle mais économiquement saine, restreinte aux zones les plus denses du territoire, les nœuds, et aux grands axes autoroutiers et routiers qui les relient, les arcs.
Par rapport à la trajectoire précédemment envisagée, ceci implique :
- de n’ouvrir désormais dans la couche locale que les centres des grandes agglomérations ainsi que les bassins de vie les plus importants ;
- de poursuivre, tout en l’accélérant, la mise en appel de tous les allotissements étendus renfermant un bassin de vie de plus de 175 000 habitants ;
- d’ouvrir les deux couches de la ressource métropolitaine, jusqu’à présent mises en réserve.
9. Quel calendrier pour le plan des nœuds et des arcs ?
La mise en œuvre s’effectuera selon le calendrier suivant, adopté par le Conseil le 20 décembre 2017 :
- en juillet 2018, lancement d’un premier appel multirégional portant, simultanément mais séparément, sur quinze zones centrées sur des agglomérations de plus de 175 000 habitants, avec, pour chacune de ces zones, l’ouverture d’un allotissement étendu et d’un nombre restreint d’allotissements locaux ;
- un an plus tard, en juillet 2019, lancement d’un second appel multirégional de configuration analogue, portant à nouveau sur quinze grandes zones ;
- à la mi-2018, après concertation avec les acteurs et mise en consultation d’une étude d’impact, lancement d’un appel national pour les deux allotissements métropolitains.
Les deux appels multirégionaux permettront de couvrir les nœuds en qualité de réception indoor, et l’appel national, de couvrir les nœuds et les arcs en qualité de réception outdoor.Compte tenu du délai quasi-incompressible de quinze mois entre le lancement d’un appel et le démarrage effectif des émissions, le calendrier proposé permet d’achever le plan des nœuds et des arcs vers la fin de l’année 2020.
Le seuil de 20 % de couverture, déclenchant l’obligation légale d’installation du DAB+ dans les récepteurs, sera en tout état de cause atteint avant la fin 2018, après le démarrage des émissions à Lille, Lyon et Strasbourg.
10. Modèle « éditeurs » ou « distributeur » ?
La forme juridique retenue pour les appels multirégionaux correspond au modèle « éditeurs », adopté pour les précédents appels. Ce modèle consiste, pour le CSA, à délivrer des autorisations individuelles d’émettre à chacune des radios présentes sur un même multiplex. Ensuite, dans les deux mois suivant ces autorisations, le CSA délivre une autorisation à l’opérateur de multiplex que ces radios ont elles-mêmes choisi.
S’agissant de l’appel national, un schéma alternatif est à l’étude et discuté avec les acteurs : le modèle « distributeur », dans lequel le CSA sélectionnerait, non pas des radios, mais un opérateur technique et commercial dit distributeur, ce dernier étant alors titulaire de la fréquence et recrutant lui-même les radios qui constitueront son bouquet de services. Ce modèle peut se décliner selon diverses variantes de gouvernance, dont certaines permettent aux radios de contrôler les décisions du distributeur. Sur cet aspect particulièrement important du modèle d’organisation, ainsi que sur plusieurs autres, s’agissant notamment de la fixation d’un objectif et d’une vitesse de couverture, ou encore de la possibilité de décrochages, le design de l’appel national nécessitera, au premier semestre 2018, une étroite concertation préalable entre les radios, le(s) candidat(s) au rôle de distributeur, et le CSA.
11. Quel choix est-il laissé aux opérateurs ?
Le nouveau dispositif de déploiement permet à chaque opérateur, selon son type et selon ses besoins, de déterminer sa propre stratégie de développement en DAB+ :
- pour une radio locale intéressée par une zone peu dense, attendre la deuxième phase de déploiement, après 2020.
- pour une radio locale souhaitant opérer sur une zone dense, candidater en 2018 ou 2019 sur l’appel multirégional incluant l’allotissement local correspondant.
- pour une radio régionale ou multi-villes souhaitant accroître son emprise territoriale, candidater sur des allotissements étendus ou, alternativement, sur un allotissement métropolitain. pour une radio nationale, candidater sur un allotissement métropolitain, et/ou sur certains allotissements étendus et locaux où la réception FM est imparfaite.
12. Où en sont les opérations en cours ?
Avant l’initialisation du plan des nœuds et des arcs, plusieurs opérations déjà engagées doivent être poursuivies :
- validation des sites pour les multiplex autorisés sur les allotissements étendus et locaux de la zone de Lille, le démarrage des émissions étant prévu en avril 2018 ;
- même séquence pour les zones de Lyon et Strasbourg avec quelques mois de décalage, le démarrage étant prévu au plus tard en septembre 2018 ;
- en janvier 2018, sélection des candidatures à la suite de l’appel portant sur les zones de Rouen et Nantes ;
- au premier trimestre 2018, lancement d’un appel portant sur les zones de Bordeaux et Toulouse, ainsi que sur la ressource qui sera rendue disponible à Paris, Marseille et Nice après réaménagement des multiplex.