Saisi par l’Autorité de la Concurrence le 2 mai 2019, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a rendu le 17 juillet 2019 un avis favorable à la création du projet Salto.
Ce projet, né d’une initiative commune des groupes France Télévisions, M6 et TF1, consiste à créer un service audiovisuel en ligne qui, notamment, distribuera les offres de direct et de rattrapage des chaînes de la TNT en clair éditées par les parties, tout service de télévision et/ou SMAD d’éditeurs tiers que Salto pourrait décider de reprendre selon sa ligne éditoriale et éditera une offre de vidéo à la demande par abonnement (VàDA).
L’avis du Conseil a été rendu après audition des parties et des acteurs du secteur de l’audiovisuel (éditeurs, distributeurs, auteurs, distributeurs de programmes, et producteurs) et en prenant en compte les réponses apportées par ces derniers aux questionnaires que leur avait adressé le Conseil.
Une réponse à l’évolution des usages
La consommation non linéaire et sur des écrans autres que le téléviseur de contenus audiovisuels est en forte croissance, en télévision de rattrapage (TVR) comme en vidéo à la demande par abonnement. Les éditeurs doivent donc être présents sur tous les supports pour répondre aux attentes des consommateurs, suivre l’évolution des usages et élargir et fidéliser leur audience.
Salto est une réponse à cette évolution marquée des usages que des services puissants tels que Netflix ont amplifié ces dernières années.
Salto permettra de mieux rentabiliser les investissements des trois groupes audiovisuels dans les programmes en leur assurant une fenêtre d’exposition supplémentaire, alors même que le marché publicitaire télévisuel est sous tension du fait de la concurrence forte d’acteurs numériques étrangers, non régulés et très puissants, comme Google et Facebook.
Par ailleurs, l’auto-distribution en ligne (over-the-top ou OTT) permettra de conserver la relation directe avec ses usagers et de mieux connaître leurs comportements de consommation. La valeur créée par l’offre (données, audience, recettes publicitaires, abonnements) devrait s’en trouver moins diluée alors même que les intermédiaires se multiplient et occupent une place centrale dans l’accès aux contenus.
Une réponse à la concurrence des groupes étrangers puissants
Ce rapprochement entre acteurs historiques concurrents en télévision gratuite répond à la nécessité de dégager des synergies grâce à la mise en commun de certains de leurs actifs. Il s’agit de tenter de soutenir la concurrence, de plus en plus forte, de la part d’acteurs internationaux sur les marchés de la publicité et de l’acquisition de programmes. A cet égard, le mouvement de pénétration rapide et significatif sur le marché français d’acteurs étrangers de la VàDA devrait se poursuivre avec le lancement très prochain de nouveaux services comme Disney+.
Ce type de rapprochement entre éditeurs, pourtant concurrents, n’est pas nouveau. A titre d’exemple, la BBC et le groupe privé ITV ont annoncé la mise en commun leurs programmes dans le service payant Britbox. Le service est disponible aux Etats-Unis et au Canada depuis mars 2017.
Outre ces initiatives éditoriales, des alliances telles que MediaSquare, Gravity ou encore EBX ont émergé sur les marchés de la publicité afin d’enrichir les audiences des éditeurs en les qualifiant et d’atteindre une taille critique capable de concurrencer les offres de publicité ciblée performantes des acteurs globaux.
Le projet Salto s’inscrit ainsi pleinement dans la continuité des initiatives ayant émergé ces dix dernières années en Europe et outre-Atlantique.
Un projet ambitieux et innovant que le Conseil supérieur de l’audiovisuel soutient pleinement compte tenu des engagements proposés par les trois groupes audiovisuels à la date de l’avis
La mise en œuvre de ce projet commun à trois groupes audiovisuels historiques qui occupent une place déterminante en télévision gratuite doit préserver la diversité du paysage audiovisuel français.
Salto doit permettre de valoriser la création française et européenne et de renforcer l’offre non linéaire des acteurs français historiques de la télévision gratuite, sans toutefois priver les concurrents de l’accès aux droits de diffusion d’une manière telle que la diversité de l’offre en serait significativement affectée.
La position des trois groupes fondateurs et leurs pratiques contractuelles en matière d’acquisition de droits permettront en effet à Salto de constituer un catalogue de programmes riche, indispensable à l’attractivité du service. La circulation des œuvres doit cependant rester fluide et se faire dans des conditions normales de marché permettant une juste rémunération des ayants droit.
En revanche, l’activité de distribution de services audiovisuels de Salto ne semble pas de nature, à court ou moyen terme, à modifier les équilibres du secteur dans un paysage marqué par l’importance de la distribution par les réseaux gérés. Le Conseil demeure toutefois attentif à l’équilibre des relations entre éditeurs et distributeurs.
Le Conseil a considéré que les engagements proposés par les parties et connus à la date de l’avis étaient de nature à lever les risques identifiés.