Le secteur de la production audiovisuelle doit s’adapter aux changements que traverse le secteur de l’édition de services audiovisuels. Depuis plusieurs années, les chaînes sont confrontées à des enjeux forts tenant notamment à l’évolution des modes de consommation des contenus, ainsi qu’à des difficultés économiques. Le secteur de la production audiovisuelle demeure quant à lui fortement dépendant des commandes des chaînes. Les services de vidéo à la demande par abonnement (VàDA) ont toutefois largement développé leurs investissements dans les programmes audiovisuels et sont devenus pour certains des clients à part entière des sociétés de production audiovisuelle françaises.
Afin d’étudier la manière dont le secteur de la production audiovisuelle répond à ces changements, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a initié dès 2015 un cycle d’études annuelles sur l’économie du secteur. L’étude sur le tissu économique du secteur de la production audiovisuelle présente chaque année un état des lieux quantitatif et statistique actualisé du secteur de la production audiovisuelle. Le CSA s’appuie pour cela sur des données tirées de l’INSEE et du groupe de protection sociale Audiens.
Le développement de l'industrie de la fiction en France
Cette étude fournit aussi un éclairage approfondi sur une thématique particulière, nourri de recherches documentaires, de rencontres et d’auditions de professionnels et d’institutionnels. À cet égard, la première édition de l’étude s’est intéressée au fonctionnement général du secteur, la deuxième à l’activité de distribution des programmes audiovisuels, la troisième aux spécificités de la production de programmes de flux et la quatrième aux enjeux économiques que connaissent les industries techniques. Cette année, le CSA se penche sur le développement d’une industrie de la fiction en France, au sens de l’optimisation des processus de fabrication des séries.
Cette cinquième édition (disponible en téléchargement en bas de page) intervient dans un contexte de crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 qui a profondément affecté le secteur audiovisuel, avec une réduction de l’activité des sociétés de production du fait de l’interruption des tournages durant les périodes de confinement, et une baisse du chiffre d’affaires des chaînes de télévision en raison de la contraction des investissements publicitaires alors que ces chaînes constituent un maillon essentiel du financement de ce secteur.
Vos questions sur l'étude sur le tissu économique du secteur de la production audiovisuelle
Sur quelles sources repose l'analyse chiffrée du secteur ?
Une des singularités de cette étude tient aux données sur lesquelles elle s’appuie.
Les données économiques proviennent de l’INSEE auprès de qui le CSA a obtenu une habilitation spécifique, et du groupe de protection sociale Audiens. Pour cette 5ème édition de l’étude, les données INSEE portent sur 2017 et les données Audiens portent sur 2018.
Les données sur la performance des programmes français à l’étranger proviennent de deux sources différentes : des publications de TV France international (TVFI) et du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) ; de la base de données internationale NoTa de l’institut Médiamétrie/Glance. Elles portent sur 2019.
Comment décrire le secteur français de la production audiovisuelle en quelques chiffres ?
Le nombre d’entreprises du secteur a plus que triplé entre 2000 et 2018, passant de 1 398 à 4 541 entreprises. Le grand nombre d’entreprises présentes sur ce secteur est inhérent à l’activité, de nombreuses sociétés étant créées spécialement pour porter un projet spécifique. Comme les années précédentes, la majorité d’entre elles sont situées en Île-de-France.
En 2018, l’ensemble des entreprises de production audiovisuelle ont employé 108 397 personnes différentes (une hausse de 3 % par rapport à 2017) parmi lesquelles 86 % ont été employées en CDD d’usage, 10 % en CDI et 4 % en CDD de droit commun.
Le chiffre d’affaires annuel du secteur s’est élevé à 3,1 milliards d’euros en 2017, en hausse de 8,3 % par rapport à 2016. Les 10 plus grandes entreprises représentaient 15,8 % de ce chiffre d’affaires, une part stable depuis 2008.
Quels sont les investissements des clients des sociétés de production dans les programmes audiovisuels ?
Bien que soumis à des tensions économiques importantes, les groupes audiovisuels français maintiennent à un haut niveau leurs investissements dans les programmes. Au total, les groupes historiques (TF1, M6, Canal Plus et France Télévisions) ont investi plus de 5,4 milliards d’euros dans les programmes dits de stock et de flux en 2019.
Les chaînes de télévision françaises ont investi 778,2 millions d’euros dans la production audiovisuelle inédite en 2018 au titre de leur contribution réglementaire dans la production d’œuvres audiovisuelles européennes et d’expression originale française (EOF).
Les investissements dans la production audiovisuelle française des services de vidéo à la demande par abonnement (VàDA) américains sont quant à eux en croissance. En 2019, 53 millions d’euros ont ainsi été investis dans des créations originales françaises dont 52 millions sont attribuables à Netflix et 1 million à Amazon Prime Video.
Quelles sont les origines de ce phénomène d'industrialisation des programmes ?
De nouveaux processus de production de programmes audiovisuels ont été mis en place très tôt pour les jeux télévisés afin de réduire au maximum leurs coûts de production. On a commencé à parler d’industrialisation pour ces programmes.
Concernant la fiction, la production des fictions françaises a repris, à partir des années 80, certains modes de fabrication développés aux États-Unis, où l’organisation de la production des séries suit un cycle de façon à ce que chaque année une saison soit produite pendant que la précédente est en cours de diffusion. En France, les formats courts de fiction quotidienne ont été l’un des premiers types de fiction dont la production a pu être fortement optimisée.
Quel est le rôle du showrunner ?
La production des séries américaines repose en grande partie sur un acteur central : le showrunner. Son rôle est d’assurer la gestion artistique et la direction narrative de la série dont il a la charge. Le showrunner, en tant qu’auteur, dirige l’équipe de scénaristes en charge de l’écriture de la série. Il bénéficie également du statut de producteur délégué (executive producer). À ce titre, il participe, avec la société de production, au choix des réalisateurs et des acteurs, est présent lors des tournages et prend part au montage.
En France, les ateliers mis en place pour l’écriture des scénarios de certaines séries sont supervisés par un directeur de collection ou un directeur d’écriture qui a des prérogatives similaires à celles d’un showrunner américain, sans toutefois bénéficier du statut de producteur. Les showrunners français qui bénéficient du statut de producteur restent une exception.
Pour quels types de fictions peuvent être mis en oeuvre ces processus de fabrication et en quoi consistent-ils ?
Les feuilletons quotidiens sont des programmes clés d’avant-soirée pour les chaînes gratuites. Une forme d’industrialisation pour la fabrication de ces programmes est nécessaire en raison du volume de production (environ 260 épisodes par an) lié à la contrainte de diffusion d’un inédit chaque jour.
L’optimisation de la production des séries diffusées en première partie de soirée est moins systématique même si elle a tendance à se développer. L’objectif est ici de raccourcir les délais de production pour réduire le temps entre la diffusion de deux saisons afin de fidéliser le public et d’optimiser le potentiel à l’export en proposant d’emblée plusieurs saisons aux acheteurs.
L’industrialisation de la production de séries dites feuilletonnantes, c’est-à-dire celles pour lesquelles les épisodes dépendent les uns des autres, est ainsi particulièrement utile car elle permet d’assurer la cohérence narrative du programme tout en accélérant la livraison des épisodes. Il s’agit dès lors d’organiser et d’animer des ateliers d’écriture pour accélérer la rédaction des scénarios, d’optimiser les coûts de production grâce au regroupement du tournage de séquences, ou encore de mettre en place plusieurs équipes qui travaillent en parallèle pour réduire la durée du tournage. De plus, le croisement des phases de fabrication (écriture, tournage, post-production) permet également un raccourcissement des délais de production.