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Texte juridique

Avis sur le projet de décret relatif au régime des services de radio et de télévision diffusés par câble et par satellite

Publié le

Avis du CSA du 23 octobre 2001 sur le projet de décret fixant le régime applicable aux différentes catégories de service de rédiodiffusion sonore et de télévision distribués par câble ou diffusés par satellite
 
Saisi pour avis, en application de l'article 33 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, d'un projet de décret fixant le régime applicable aux différentes catégories de services de radiodiffusion sonore et de télévision distribués par câble ou diffusés par satellite, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, après en avoir délibéré, formule les observations suivantes, qui doivent être complétées par les observations principales figurant dans son avis du 2 octobre 2001 sur le projet de décret fixant les principes généraux concernant la diffusion des services autres que radiophoniques diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique.
 

1. Production audiovisuelle
 
L'article 9 du projet de décret précise les obligations des services en matière de production audiovisuelle. Cet article appelle des observations de la part du Conseil sur trois points.
 

a) Seuil de diffusion d'oeuvres audiovisuelles
Le premier alinéa du I de l'article 9 soumet aux obligations de production audiovisuelle "les éditeurs de services qui réservent annuellement plus de 10 % de leur temps de programmation à la diffusion d'oeuvres audiovisuelles".
Ainsi qu'il l'a mentionné dans son avis sur le projet de décret "numérique", le Conseil estime que ce seuil est inadapté et préconise un seuil fixé à 25 % du temps de programmation.
 

b) Production d'oeuvres inédites
Ainsi qu'il l'a indiqué dans son avis sur le projet de décret "numérique", la solution que le Conseil préconise pour favoriser la production d'oeuvres inédites consiste en la faculté qui lui serait donnée, par voie conventionnelle, de négocier avec les éditeurs un engagement spécifique sur la production inédite d'oeuvres européennes ou d'expression originale française en contrepartie d'une baisse des taux des obligations de production cinématographique et audiovisuelle.
Par ailleurs, pour éviter toute ambiguïté, le Conseil souhaiterait que les deux facultés prévues au deuxième alinéa du I de l'article 9 (fixation dans la convention, d'une part, d'obligations particulières par genre et, d'autre part, d'un volume annuel minimal de commande d'oeuvres inédites) soient indépendantes l'une de l'autre et fassent donc l'objet d'alinéas distincts.

c) Production indépendante
Le II de l'article 9 du projet de décret fixe aux deux tiers la part des dépenses de production devant être affectée à la production indépendante.
Le Conseil, dans son avis sur le projet de décret "numérique", a indiqué qu'il considérait les critères retenus pour qualifier la production indépendante inadaptés pour un certain nombre d'éditeurs. C'est notamment le cas pour les éditeurs des services du câble et du satellite.
Ainsi, afin de pouvoir être considérées comme indépendantes, les oeuvres audiovisuelles coproduites par les services du câble et du satellite ne pourront être diffusées que trois fois sur une période de quarante-deux mois. Cette limitation pourrait dissuader les éditeurs de services d'investir dans la production d'oeuvres européennes ou d'expression originale française. En effet, aujourd'hui, les éditeurs de services qui investissent dans la production inédite, plus coûteuse que le simple achat de droits, négocient des droits longs et un grand nombre de diffusions. Si cette possibilité était restreinte par les nouveaux textes, il est à craindre que ces éditeurs ne remplissent à l'avenir leurs obligations de production que par des achats de droits, ce qui serait regrettable.
En outre, les seuils capitalistiques retenus pour qualifier la dépendance apparaissent trop bas et devraient être relevés au seuil de la minorité de blocage, soit 33,34 %, le taux de 15 % risquant d'élargir artificiellement le nombre de sociétés de production dépendantes.
Le Conseil rappelle enfin que la qualification de l'indépendance sera très délicate pour les achats de droits, lesquels devraient représenter le mode principal de contribution à la production des services de télévision du câble et du satellite.
Si ces critères devaient être maintenus, le niveau de deux tiers de production indépendante envisagé ne serait pas susceptible d'être atteint pour la grande majorité des services du câble et du satellite.
 

2. Assiette des obligations de production
 
Même si l'assujettissement des chaînes du câble et du satellite a été prévu par la loi du 1er août 2000, le Conseil relève que l'économie de ces chaînes demeure extrêmement fragile et que cet alourdissement de leurs obligations risque de compromettre leur développement, voire pour certaines mettre en péril leur survie.
S'agissant des modalités retenues, les obligations de production des chaînes sont assises sur le chiffre d'affaires annuel net de l'exercice précédent, lequel comprend notamment les ressources reçues des distributeurs de services.
La détermination de cette assiette supposera une clarification importante de la situation financière de certains services, édités par une même personne morale et faisant actuellement l'objet d'une comptabilité commune. Une obligation de transparence comptable, faisant apparaître une comptabilité par service, devrait être imposée à l'éditeur commun de plusieurs services.
Lorsqu'il existe une situation de contrôle entre l'éditeur et le distributeur, l'article 10 du projet de décret précise que ces ressources sont réputées ne pas être inférieures à la moitié des recettes d'abonnement et, si le service fait l'objet d'un abonnement groupé, ne pas être inférieures "à la moitié des ressources issues de l'abonnement divisées par le nombre de services".
Le Conseil relève que ce mode de détermination de l'assiette risque d'aboutir à des situations inéquitables, en cas de disparité importante de chiffre d'affaires entre des services commercialisés conjointement ou pour les mêmes services commercialisés par différents distributeurs.
En tout état de cause, il serait utile que la notion d'abonnement groupé soit précisée, notamment par rapport aux offres de base. Par ailleurs, le cas des abonnements groupés devrait également être envisagé pour les chaînes cinéma, à l'article 17, celles-ci pouvant faire l'objet d'un abonnement spécifique à plusieurs services de ce type.
 

3. Montée en charge progressive
 
L'article 33-1 de la loi prévoit que la convention des chaînes du câble et du satellite "peut, dans les limites fixées par le décret prévu à l'article 33, prévoir une application progressive des règles qui y sont prévues, en fonction notamment du nombre de foyers recevant ou pouvant recevoir ce service, sans que ce délai puisse toutefois excéder cinq années."
Le II de l'article 12 de l'actuel décret "câble et satellite" permet au Conseil de prévoir cette montée en charge "en fonction notamment du nombre de foyers recevant le service et de la nature de la programmation de celui-ci", ce qui laisse une grande souplesse d'appréciation au Conseil.
A l'inverse, l'article 11 et le II de l'article 13 du projet de décret limitent cette faculté aux services dont "le nombre d'abonnés" est inférieur à 2 millions. Ainsi, d'une part, le projet de décret retient le seul critère du nombre d'abonnés, alors que la loi permet de retenir d'autres critères, et d'autre part, il fixe un seuil unique, ce qui réduit la marge de manoeuvre du Conseil.
Le Conseil estime que ce critère est insuffisant pour apprécier les capacités d'investissement dans la production et d'application malaisée, compte tenu du caractère fluctuant du nombre d'abonnés en câble et satellite. Sur ces supports, la notion même d'abonné peut donner lieu à diverses interprétations, compte tenu des différentes formules d'abonnement proposées (inclusion dans l'offre de base ou abonnement spécifique, prise en compte du nombre de foyers ayant souscrit un abonnement ou du nombre de personnes recevant les offres). Le Conseil souhaite donc que ces seuils soient supprimés au niveau réglementaire et que les services puissent bénéficier d'une montée en charge fixée dans la convention. La convention apparaît en effet comme le seul instrument suffisamment souple pour s'adapter, avec la réactivité nécessaire, à des évolutions aujourd'hui difficilement prévisibles.
Si ces seuils devaient néanmoins être maintenus dans le décret, la notion d'abonné devrait en tout état de cause y être définie.
 

4. Définition des chaînes "cinéma"
 
Ainsi qu'il l'a indiqué dans son avis sur le projet de décret "numérique", le Conseil estime que la définition des chaînes " cinéma ", reprise à l'article 14 du projet de décret "câble et satellite", est trop restrictive, en tant notamment que les ressources de ces services doivent provenir, à hauteur de 75 %, des distributeurs de services.
 

5. Heures de grande écoute
 
Le 3° du II de l'article 18 du projet de décret fixe à 18-24 h les heures de grande écoute pour la diffusion d'oeuvres cinématographiques et laisse le soin à la convention de fixer ces heures pour la diffusion d'oeuvres audiovisuelles. Ainsi qu'il l'a indiqué dans son avis sur le projet de décret "numérique", le Conseil estime que les heures de grande écoute devraient être fixées dans la convention en fonction de la programmation et des caractéristiques de l'audience du service, le décret ne devant prévoir qu'un régime de base fixant ces heures de 18 à 23 h, ce qui correspond aux heures de forte écoute potentielle.

6. Services de paiement à la séance
 
Le Conseil relève avec satisfaction que le régime des services de paiement à la séance est allégé, en particulier pour ce qui concerne la grille de diffusion des oeuvres cinématographiques. Le Conseil souhaiterait pouvoir accorder, par voie conventionnelle, des dérogations à l'interdiction de diffusion du samedi entre 18 h et 23 h en contrepartie d'un engagement de ces services de respecter les quotas de diffusion d'oeuvres européennes et d'expression originale française dans cette fenêtre.
Le II de l'article 21 du projet de décret maintient le principe selon lequel "la convention fixe la part minimale du chiffre d'affaires que ce service consacre à l'achat de droits de diffusion d'oeuvres cinématographiques".
Le principe même du calcul de l'obligation d'investissement dans la production cinématographique sur la totalité du chiffre d'affaires du service peut sembler contestable, dans la mesure où la part des oeuvres cinématographiques diminue dans l'offre de programmes de ces services, au profit des manifestations sportives, et cela d'autant plus que ces services sont par ailleurs soumis à l'obligation de verser aux ayants droit de ces oeuvres une rémunération proportionnelle au prix payé par les usagers.
Toutefois, dans la mesure où le taux de cet investissement relève de la convention, le Conseil pourra tenir compte, pour sa fixation, de la part du chiffre d'affaires généré par le cinéma.
En tout état de cause, le Conseil estime que cette obligation devrait viser exclusivement les oeuvres cinématographiques européennes et d'expression originale française.
 

7. Régime des chaînes étrangères
 
Le projet de décret est organisé en deux titres. Le titre 1er traite "Des éditeurs de services soumis à convention" et le titre II "Des éditeurs de services soumis à déclaration préalable" (chaînes relevant de la compétence d'un autre État membre de le la Communauté européenne ou signataire de l'accord sur l'Espace économique européen).
Le titre 1er est lui-même organisé en deux chapitres, le premier fixant les "Dispositions applicables aux éditeurs de services établis en France", le second les "Dispositions applicables aux éditeurs de services relevant de la compétence d'un autre État".
Cette dernière qualification n'apparaît pas cohérente avec les règles de compétence prévues par la directive Télévision sans frontières et reprises aux articles 43-2 à 43-5 de la loi. Le conseil propose de lui substituer l'intitulé suivant : "Dispositions applicables aux éditeurs de services établis dans un autre État", en l'occurrence les chaînes étrangères relevant de la compétence de la France, en application des critères techniques prévus à l'article 43-4 de la loi.
Au-delà de la question de l'intitulé de ce chapitre, l'un de ses articles soulève d'importantes difficultés. Il s'agit de l'article 34, qui prévoit que les conventions conclues avec les " éditeurs de services de télévision établis dans un État non membre de la Communauté européenne, non signataire de l'accord sur l'espace économique européen et non partie à la convention européenne sur la télévision transfrontière "fixeront les conditions dans lesquelles devront être respectées les règles applicables en matière de publicité, de parrainage, de télé-achat, d'autopromotion, de production et de diffusion d'oeuvres".
Cet article semble ainsi permettre au CSA d'aménager ces obligations, sans encadrer en aucune façon ces aménagements et notamment sans fixer ni critères ni obligations minimales.
Le Conseil relève que, pour être compatible avec l'article 33 de la loi et le considérant 29 de la directive du 30 juin 1997 modifiant la directive Télévision sans frontières du 3 octobre 1989, le décret devrait faire reposer les éventuelles dérogations conventionnelles sur un critère linguistique et non sur un critère de nationalité.
Il observe en outre que, même si ce texte ouvre par lui-même de larges possibilités d'aménagements, ces derniers seront nécessairement limités pour ce qui concerne la publicité, le parrainage, le télé-achat et l'autopromotion.
En effet, dans ces domaines, ni la directive ni la loi ne prévoient de dérogations ; en conséquence, les aménagements conventionnels ne pourront porter que sur des dispositions spécifiques à la France et relevant du niveau réglementaire, comme les secteurs interdits.
 

8. Régime des chaînes françaises destinées à une diffusion extra-communautaire
 
Au nom de la défense d'intérêts nationaux légitimes, le législateur a choisi de fixer pour les services de télévision un régime plus contraignant que celui prévu a minima par la directive Télévision sans frontières.
Ces obligations, conçues pour une diffusion en France, pénalisent inutilement les services exclusivement destinés à une diffusion vers les marchés extra-communautaires.
Pour favoriser le développement de ces services, le Conseil estime qu'ils devraient donc être dispensés du respect d'un certain nombre d'obligations concernant notamment les secteurs interdits de publicité et la grille de diffusion des oeuvres cinématographiques.
 

9. Date d'entrée en vigueur du projet de décret
 
L'article 42 prévoit l'entrée en vigueur du projet de décret au 1er janvier 2002 et précise que les conventions devront être revues avant cette date, en tant que de besoin.
L'introduction d'obligations de production entraînera la modification de la quasi-totalité des conventions (de l'ordre d'une centaine), ce qui ne saurait être réalisé avant le 1er janvier 2002 si le décret est publié vers le 15 décembre, comme cela est actuellement prévu.
Compte tenu par ailleurs de la charge importante que les obligations de production entraîneront pour les services du câble et du satellite et du fait que ces obligations doivent s'apprécier sur une année civile, le Conseil est favorable à ce que les obligations de production ne prennent effet qu'à compter du 1er janvier 2003.