Conformément à l’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (ci-après : « le Conseil ») est appelé à rendre un avis sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens (ci-après : « COM ») qui doit être conclu entre l’Etat et la société nationale de programme Radio France pour la période 2015-2019.
Il s’agit du troisième COM de la société.
L’article 53 dispose que le COM doit permettre à l’Etat et à Radio France de définir les perspectives de développement fondées sur des engagements dont la mise en œuvre peut être mesurée par des indicateurs et pour lesquels les modalités de financement sont précisées pour toute la durée du COM. En application de cet l’article, le COM doit déterminer :
- les axes prioritaires de développement ;
- les engagements pris au titre de la diversité et de l’innovation dans la création ;
- les engagements en matière d’accessibilité des programmes (loi n° 2005-102 du 11 février 2005) ;
- la détermination du coût prévisionnel des activités complétée par des indicateurs de résultats ;
- le montant des ressources publiques devant lui être affectées en identifiant celles prioritairement consacrées au développement des budgets de programmes ;
- le montant du produit attendu des recettes propres, en distinguant celles issues de la publicité et du parrainage ;
- les perspectives économiques pour les services qui donnent lieu au paiement d’un prix ;
- les indications relatives au montant des ressources publiques et celles issues des recettes propres ;
- les axes d’amélioration de la gestion financière et des ressources humaines dans le but d’un retour à l’équilibre financier ;
- le cas échéant, les perspectives en matière de retour à l’équilibre financier.
Le Conseil note avec satisfaction que la mise en œuvre des grands axes stratégiques assignés à l’entreprise et traduits dans ce COM a fait l’objet d’une forte concertation avec les salariés de Radio France. Dans le cadre du Comité central d’entreprise, les instances représentatives du personnel ont été sollicitées à de nombreuses reprises, ce qui a permis l’aboutissement d’un document porté collectivement.
Le présent COM qui couvre la période 2015-2019, présente trois objectifs principaux :
- consolider la place de média de référence de Radio France dans le paysage radiophonique ;
- conforter le rôle de Radio France comme acteur majeur de la musique et de la culture ;
- moderniser l’entreprise et mettre en œuvre les conditions d’un retour à l’équilibre financier.
Le Conseil prend acte qu’à la suite des recommandations de la mission Schwartz relatives à l’avenir de France Télévisions, le nombre d’objectifs et d’indicateurs a été restreint. Le précédent COM comportait trente-six indicateurs « cible », le projet de COM n’en prévoit plus que quinze.Tout en prenant en compte la volonté exprimée dans ce COM de hiérarchiser et de rationaliser les objectifs assignés à l’entreprise et de planifier des trajectoires financières, le Conseil estime toutefois essentiel que les indicateurs relatifs aux axes prioritaires relevant des missions de service public soient maintenus.
En effet, le cahier des missions et des charges de Radio France, daté du 13 novembre 1987, n’a été que très peu modifié depuis sa promulgation. Dès lors, le contrat d’objectifs et de moyens de Radio France revêt une dimension toute particulière au regard des enjeux, notamment sociétaux, que doit relever la société publique. Radio France, radio publique, a le devoir d’être le garant d’une information libre, pertinente et rigoureuse. Elle doit être une référence incontestée en la matière. Cette ambition est appelée à s’amplifier par les synergies que les sociétés audiovisuelles publiques peuvent mettre en œuvre autour de projets ambitieux. Par ailleurs, Radio France doit faciliter le décryptage et offrir les clés de la compréhension du monde contemporain à l’ensemble des citoyens et plus particulièrement aux plus jeunes.
S’agissant des problématiques liées à la cohésion sociale et des valeurs portant sur le vivre ensemble, le Conseil regrette la faible place accordée à ces sujets dans le projet de COM. Il est pourtant essentiel d’engager et d’encourager toutes les initiatives visant notamment à porter les valeurs de la société française et à renforcer son unité.
Il convient en ce sens de renforcer la mise en place de mesures concrètes visant à une juste représentation de la diversité de la société française. Radio France doit être un acteur mobilisateur sur ce point. La radio publique se doit d’être exemplaire pour lutter contre les stéréotypes et ainsi répondre aux mutations de la société.
Radio France, premier média de service public à recevoir le Label diversité délivré par l’AFNOR, doit poursuivre son action et mobiliser l’ensemble de ses collaborateurs, ce qui contribuera par ailleurs à favoriser le dialogue social au sein de l’entreprise.Le projet de COM doit également traduire les ambitions de la société publique quant à la question de l’égalité entre les femmes et les hommes. Sur ce point précis, Radio France a opté pour une démarche volontariste qui doit nécessairement être traduite dans le COM de la société, tant sur la présence des femmes sur les antennes que sur les mesures mises en œuvre par les ressources humaines de l’entreprise.
Alors que l’année 2014 s’est conclue avec un déficit de 2 millions d’euros et que le budget 2015 prévoit un déficit de 20 millions, ce projet de COM présente, dans un contexte budgétaire contraint, un plan d’affaires permettant un retour à l’équilibre en 2018. Au regard des enjeux pesant sur les perspectives d’évolution de Radio France, il est important que les réformes structurelles soient accompagnées d’un certain nombre d’indicateurs facilitant le suivi et le pilotage de la stratégie de l’entreprise. En outre, des indicateurs restent à définir quant aux actions engagées sur les modes de production ou le déploiement des antennes, notamment le réseau France Bleu.
Le projet de COM a été transmis au Conseil le 26 octobre 2015. Eu égard à la date de transmission de ce projet au Conseil et au Parlement, l’entrée en vigueur du COM ne sera effective qu’à compter de l’année 2016. Constatant ce retard, le Conseil espère que les prévisions 2015 figurant dans ce projet seront effectivement atteintes.
L’avis rendu par le Conseil tient compte des recommandations issues du rapport de la Cour des comptes publié en avril 2015 et de ses précédentes appréciations portant sur les rapports d’exécution du COM et du cahier des missions et des charges de Radio France.Le présent avis porte en premier lieu sur l’évaluation des indicateurs éditoriaux et stratégiques (I) puis sur les indicateurs relatifs aux enjeux de cohésion sociale (II) et enfin sur l’analyse des objectifs relatifs à la gestion de l’entreprise (III). Le Conseil, lorsqu’il l’estime nécessaire, a pris soin de formuler des recommandations qui se trouvent rassemblées à la fin de ce document.
I - Les indicateurs éditoriaux et stratégiques
1. Les antennes
Les lignes éditoriales
Le Conseil note que le projet de COM a fixé comme axe prioritaire à Radio France de consolider sa place comme média de référence en s’appuyant sur ses propres forces : la diversité, la singularité et la richesse de son offre de programmes. La ligne éditoriale de chaque antenne est clairement définie et prend en compte le renouvellement important des grilles intervenu à la rentrée 2014. Ces modifications, notamment sur France Inter, France Info et France Musique, semblent à ce jour porter leurs fruits en termes d’audience. Les dernières vagues Médiamétrie ont montré une réelle amélioration de la part d’audience globale des antennes de Radio France qui est passée de 23,1 % sur la vague septembre – octobre 2014 à 23,7 % sur la même période en 2015.
La situation de Mouv’ reste toutefois préoccupante, bien que sa ligne éditoriale semble stabilisée. A la suite de la mise en place d’un nouveau positionnement éditorial en février 2015, le Conseil constate que l’évaluation de la rencontre avec son public est repoussée à la fin 2016. Les critères d’évaluation, les objectifs à atteindre et les conséquences qui pourraient être tirées de cette évaluation ne sont pas pour autant précisés. Il serait nécessaire que le projet soit complété sur ce point.
Le Conseil relève que les objectifs donnés à Radio France en termes d’audience ont été maintenus et complétés. Dans un contexte de vieillissement de l’audience, la radio publique se voit assigner des objectifs par tranche d’âge. En effet, il est essentiel que l’ensemble des antennes continue à s’adresser à un large public. Les antennes doivent poursuivre leurs efforts afin de rajeunir leurs publics ; cet objectif ne concerne pas uniquement Mouv’. France Inter devra ainsi se renforcer sur la tranche des « 35-49 ans » sur laquelle elle s’est affaiblie, France Info sur les « 25-49 ans », France Culture et France Musique sur les « 50-64 ans ». Cette dernière doit élargir sa base d’auditeurs. L’âge médian des auditeurs de Radio France s’établit à 57 ans pour l’ensemble du groupe et culmine à 68 ans pour France Musique. Le Conseil estime que ces priorités sont pertinentes et correspondent aux enjeux de l’entreprise.
S’agissant de l’information, les études menées par l’institut IPSOS montrent que France Inter et France Info bénéficient d’une image très satisfaisante. Le projet de COM rappelle, face à la démultiplication des sources d’informations, le rôle majeur de la radio publique en termes de fiabilité, d’impartialité, de pluralisme et d’expertise. Cette offre d’information de référence devra s’adapter davantage encore aux spécificités de chaque antenne : la proximité pour France Bleu, l’actualité culturelle pour France Culture et le point de vue généraliste pour France Inter. L’offre d’information est par ailleurs appelée à être déclinée sur l’ensemble des supports numériques. La circulation de l’information entre les différentes rédactions sera également développée. Le projet « France Info média global » vise ainsi à distribuer l’information en intégrant les compétences radio et numérique au sein de la rédaction.
S’agissant de la banque de programme Sophia destinée aux radios associatives, le Conseil rappelle toute l’importance qu’il attache au rôle de ces radios en matière de lien social et de pluralisme. Il souhaite que cette question soit abordée dans le projet de COM afin de ne pas fragiliser le secteur radiophonique associatif.
La couverture
Concernant la couverture des antennes de Radio France, il convient de préciser à titre liminaire que le Conseil n’a pas compétence pour vérifier les taux de couverture, en population et en surface, mentionnés dans le projet de COM.
Le projet de COM prévoit de compléter le maillage FM du réseau France Bleu dans la région Midi-Pyrénées par extension de la couverture de France Bleu Toulouse et dans l’agglomération de Lyon par la création de France Bleu Lyon. Le Conseil prend acte de ces objectifs présentés comme nécessaires à l’exercice des missions de service public de Radio France : il en tiendra donc compte dans ses futurs travaux de planification du spectre au regard des dispositions de l’article 26 de la loi du 30 septembre 1986 et de la jurisprudence du Conseil d’État en la matière.
S’agissant plus largement de l’ensemble des objectifs d’extension de la couverture des services de Radio France dans un contexte d’utilisation intensive des fréquences de la bande FM, l’action du Conseil sera guidée par le principe suivant : l’identification de nouvelles fréquences pouvant nécessiter une optimisation de l’utilisation de l’ensemble des fréquences, notamment de celles attribuées à Radio France, doit être menée pour le bénéfice potentiel du plus grand nombre possible d’éditeurs. Cette optimisation nécessite des échanges accrus entre Radio France, le Gouvernement et le Conseil pour préciser en temps utile ces objectifs et s’assurer du respect de ce principe : à cette fin, le projet de COM devrait mentionner de manière plus détaillée les zones ou les régions dans lesquelles il conviendrait de diffuser un des services de Radio France.
Le Conseil constate que les objectifs d’extension de couverture ne concernent que la métropole alors que plusieurs services édités par Radio France sont nationaux. Il souhaite que Radio France envisage la diffusion hertzienne terrestre des services nationaux de Radio France sur les territoires d’outremer.
S’agissant en particulier de l’extension de la couverture de France Info, le projet de COM la justifie en partie par le nouveau rôle que pourrait jouer France Info dans l’accomplissement des missions de Radio France relatives à la défense nationale et à l’information en temps de crise à la suite des arrêts programmés de la diffusion de ce service en ondes moyennes et de celle de France Inter en ondes longues. Le Conseil tiendra compte, dans l’application du principe énoncé ci-dessus, de cette évolution, pour peu que l’extension envisagée participe clairement à la réalisation de ces missions. Le Conseil comprend que ces choix n’emporteraient pas une obligation, ni des pouvoirs publics, ni de Radio France, de reproduire en FM une couverture identique à celle d’un service diffusé en ondes longues. Pour autant, il s’interroge, d’une part, sur la probabilité de trouver des solutions techniques, par identification de nouvelles fréquences ou optimisation des fréquences déjà attribuées, susceptibles de conduire à un niveau de couverture de France Info adéquat au regard des obligations qui pèseraient sur ce service et, d’autre part, sur l’augmentation des charges de diffusion inhérentes à l’extension de la couverture du service en raison de la décroissance du rendement des technologies de diffusion. Le Conseil relève par ailleurs que le projet de COM ne fixe pas d’objectif à Radio France en matière de communication auprès du public relative à l’arrêt de ces diffusions, ni ne semble anticiper un budget spécifique pour ces opérations d’accompagnement des auditeurs.Enfin, le projet de COM envisage la diffusion de Mouv’ et FIP en RNT dans le but de compléter leur diffusion FM et de réétudier la possibilité pour Radio France de diffuser au moins partiellement ses programmes en RNT dans le respect du plan d’affaires de l’entreprise. Le Conseil souligne l’intérêt pour certains services de Radio France de l’apport de la diffusion numérique terrestre pour pallier éventuellement l’arrêt de la diffusion des ondes longues et moyennes.
Recommandation n°1 : définir la couverture cible pour France Bleu Toulouse et France Bleu Lyon.
Recommandation n°2 : étudier l’opportunité d’une diffusion outre-mer des antennes nationales de Radio France.
Recommandation n°3 : préciser le calendrier d’arrêt des ondes moyennes et longues et la nature des opérations de communication au public que ces extinctions impliquent pour inciter les auditeurs qui ne reçoivent pas les services concernés en FM à s’orienter vers d’autres supports.
Recommandation n°4 : en plus de FIP et Mouv’, étudier l’opportunité d’assurer une diffusion en RNT des autres antennes de Radio France dans les zones où elles ne sont pas présentes en FM et son impact sur le plan d’affaires prévisionnel de Radio France.
2. La musique et la création
La musique
En ce qui concerne l’exposition de la musique, chaque chaîne participe à sa promotion, selon sa spécificité, au travers de programmations musicales diversifiées. FIP, en particulier, se caractérise par une programmation très éclectique. Les quatre formations musicales du groupe public donnent chaque année près de 200 concerts, à Paris, en région ou à l’étranger. Radio France doit favoriser l’accès de tous les publics à la musique, faciliter la découverte et la promotion de jeunes musiciens et concevoir des outils pédagogiques pour accompagner les jeunes spectateurs. Compte-tenu de l’importance et des enjeux que revêt la musique pour l’ensemble du groupe Radio France, le Conseil souhaite que celui-ci rende publics à la mi-2016 les résultats de la mission de préfiguration confiée à Marie-Pierre de Surville ainsi que les suites réservées aux préconisations de Stephan Gehmacher.
Le Conseil relève toutefois que l’ensemble des indicateurs concernant la part des chansons d’expression originale française est maintenu en l’état, voire en dessous de l’objectif du COM précédent. Ainsi, France Bleu, dont la part de titres francophones a atteint 63,3 % en 2014, fait l’objet d’une clause de non recul fixée à 60 %. Le Conseil a souligné à plusieurs reprises la diminution significative de la part des chansons françaises sur certaines antennes de Radio France, voire un déficit important concernant France Inter, Mouv’ et FIP. Sur France Inter, le taux de titres francophones représentait, en 2014, 41,7 % (contre 45,4 % en 2012 et 43,6 % en 2013), sur Mouv’, la part de ceux-ci représentait en 2014, 25,5 % (contre 30,3 % en 2012 et 28,1 % en 2013), enfin sur FIP, le taux était de 17,2 % en 2014 (contre 19,7 % en 2012 et 20,2 % en 2013) alors que dans le même temps, un effort supplémentaire est demandé aux radios privées.
Compte-tenu du rôle d’exemplarité du secteur public en matière de musique et de création, le Conseil souhaite que le COM formalise un engagement chiffré concernant la part des chansons francophones par antenne.
Recommandation n°5 : prévoir un indicateur sur la part des chansons francophones par antenne (par exemple 50 % sur Inter et 35 % sur Mouv’), complété le cas échéant d’un indicateur sur la diversité des titres diffusés. L’objectif concernant la part des nouveautés dans les titres de France Inter est maintenu à 55 %. Le Conseil constate que celle-ci est en baisse de 0,4 point (en 2014 comparé à 2013) et se situe 3,1 points en dessous de l’objectif fixé par le précédent COM. Le service public radiophonique devrait maintenir son rôle de précurseur concernant la découverte des nouvelles productions et des nouveaux talents.
La création
La place accordée par le groupe public radiophonique à la création, notamment dans le domaine de la fiction et des documentaires, est sans équivalent dans le paysage radiophonique français. Radio France a démontré son rôle essentiel dans la révélation de nouveaux talents et sa capacité d’innovation dans les programmes. Elle contribue, par ailleurs, à travers ces programmes, à diffuser et faire rayonner la culture auprès du plus grand nombre et assure un rôle de prescripteur. Le Conseil se félicite que les objectifs en matière de soutien à la création soient maintenus.
3. Le numérique
Le développement de l’offre numérique est une priorité stratégique de Radio France, qui doit déployer le contenu de ses antennes sur internet, enrichir les programmes existants et développer des services innovants sur les nouveaux supports dans le cadre d’une stratégie multicanal répondant aux nouveaux usages. L’entreprise est ainsi appelée à rattraper son retard en la matière et doit accélérer son offre de sites disponibles sur internet. Le bouquet de chaînes hertziennes sera par ailleurs enrichi de webradios adossées à France Musique, Mouv’ et FIP. Afin de valoriser son offre de musique classique, Radio France indique qu’elle mettra en place une plate-forme, Francemusique.fr, consacrée à l’écoute en haute définition et en diffusion multicanal. Elle devra participer à la découverte et à l’initiation à la musique classique et devra également intégrer les productions des formations musicales. Le projet de COM ne précise pas quel sera son financement. Le Conseil rappelle que la communication de la Commission européenne relative aux aides d’Etat de 2009 prévoit que les « nouveaux services importants » peuvent entrer dans le champ de la mission de service public des organismes publics de radiodiffusion et bénéficier à ce titre de financements publics sous réserve d’une procédure d’évaluation préalable menée par l’Etat membre. Le Conseil relève par ailleurs que le déploiement envisagé ne fait l’objet d’aucune précision en termes de hiérarchisation, de calendrier ou encore sur les moyens qui lui seront affectés. Il souhaite que les objectifs poursuivis en matière de webradios soient précisés ainsi que les moyens attribués à ces développements.Le Conseil approuve également l’objectif donné à Radio France d’accroître la qualité de son offre en ligne et de valoriser sa capacité d’innovation en la matière. Cet enrichissement portera sur trois champs d’usage : l’information, l’écoute de la musique en ligne et la valorisation de son patrimoine musical et sonore (archives, discothèque et partitions). En outre, l’entreprise devra continuer à innover autour des technologies du son et de la distribution de ses programmes.Afin d’adapter ses outils de production à l’ère du numérique, le projet de COM prévoit la création d’un comité d’investissement visant à mettre en place un outil éditorial commun à l’ensemble des équipes. L’harmonisation des outils de mixage et de montage ainsi que de nouveaux outils documentaires faciliteront à terme le référencement et l’enrichissement des contenus.
Le Conseil estime que la formation des personnels aux métiers de numérique doit être un axe majeur de l’entreprise et participer à sa nécessaire modernisation et à la mobilité de son personnel. Le développement de ces compétences doit être une priorité stratégique de l’entreprise. La suppression de l’indicateur visant le nombre de salariés formés à l’évolution des technologies liées au multimédia, à la gestion des sites et à la diffusion numérique ne doit pas donner un signal d’affaiblissement.Le Conseil regrette que les objectifs de coopération avec les autres sociétés de l’audiovisuel public ne fassent pas l’objet d’orientations précises. Il estime en effet que des partenariats en matière de numérique, d’information, de formation ou d’actions internationales auraient pu être abordés. La mise en place d’une fédération numérique entre les différentes sociétés nationales de programme devrait être encouragée.
II – Les indicateurs relatifs aux enjeux de cohésion sociale
S’agissant de la cohésion sociale et de l’égalité des chances, le Conseil déplore l’absence d’indicateur dans le nouveau projet de COM. Cette lacune est d’autant plus regrettable que Radio France semblait, depuis le début de l’année 2013 et sous l’impulsion du Conseil, s’investir dans la mise en place d’une politique globale et volontariste en matière d’égalité des chances, tant dans l’organisation interne de l’entreprise que dans les programmes.
Il est impératif que des initiatives contribuant à la promotion de la cohésion sociale, à l’égalité entre les hommes et les femmes et à l’amélioration de la représentation de la diversité de notre société à l’antenne existent dans le projet de COM. D’autre part, par souci de cohérence et d’efficacité, le COM doit être mis en perspective avec les textes élaborés par le Conseil sur les sujets tendant à renforcer la cohésion sociale.
1. L’éducation aux médias
En ce qui concerne l’ambition éditoriale et culturelle de Radio France, le Conseil est particulièrement attentif à la responsabilité de Radio France en matière d’éducation aux médias et considère qu’il s’agit d’une mission essentielle de la radio publique.Alors que le projet de COM précise que Radio France doit « refléter et donner voix à la société française dans toute sa diversité, dans ses territoires, dans ses quartiers» et que les événements tragiques de janvier et novembre 2015 montrent l’importance cruciale de l’éducation aux médias pour les jeunes générations, les indicateurs concernant les actions pédagogiques engagées par les chaînes n’ont pas été définis. De surcroît, l’indicateur de suivi du temps moyen consacré par les chaînes à des programmes visant plus particulièrement le jeune public a été supprimé, ce que le Conseil regrette. Il estime que la réintroduction de cet indicateur serait nécessaire et cohérent avec l’un des objectifs prioritaires de ce COM.Le Conseil a relevé l’effort significatif de Radio France en 2014 avec la mise en place des activités pédagogiques et de médiation pour les classes en milieu scolaire et la signature d’une convention avec l’Education nationale. A titre d’exemple, l’atelier France Info constitue l’un des outils pédagogiques d’éducation aux médias les plus aboutis. Dans ce cadre, le Conseil sera particulièrement attentif aux actions menées par Radio France auprès des scolaires qui trouvent tout leur sens avec la réouverture au public de la Maison de la Radio.
Recommandation n°6 : Proposer un nombre de partenariats avec des établissements scolaires relevant notamment de la politique de la ville.
2. La représentation des femmes
Le Conseil considère que Radio France devrait mettre en place des objectifs sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans son COM, qui s’appuieraient notamment sur les indicateurs qualitatifs et quantitatifs de la délibération du Conseil du 4 février 2015. Pour rappel, la loi du 4 août 2014 sur l’égalité réelle entre les hommes et les femmes avait inséré un nouvel article 20-1 A dans la loi du 30 septembre 1986, lequel confère au Conseil la responsabilité, en concertation avec les services de communication audiovisuelle concernés, de déterminer les indicateurs qualitatifs et quantitatifs sur la représentation des femmes et des hommes dans leurs programmes, que les diffuseurs auront à fournir au Conseil. Les conditions d’application de cette loi devaient être précisées sur certains points. Par conséquent, une délibération, de portée générale, qui vise l’ensemble des services de télévision et de radio concernés par la loi, et notamment Radio France, a été adoptée le 4 février 2015 par le Conseil. Dans cette délibération, il est indiqué qu’un décompte sur la présence des femmes, les stéréotypes dans les programmes et la diffusion de programmes dédiés sera communiqué annuellement par les éditeurs au Conseil et que ceux-ci auront la possibilité, sur la base du volontariat, de déterminer, chaque année, des engagements complémentaires à ces indicateurs, en fonction de leur ligne éditoriale spécifique et de leur politique interne. Ces engagements trouveraient naturellement leur place dans le COM.
Recommandation n°7 :
- maintenir les objectifs concernant la répartition des femmes par catégorie ;
- fixer un objectif de comblement des postes par des femmes d’au moins 50 % ;
- traduire dans le COM l’objectif de 30 % de femmes expertes dans les émissions d’information et de débat en 2016 pour atteindre 40% à l’échéance de ce COM.
3. La diversité de la société française
Le Conseil estime que les dispositions intégrées en 2006 dans le cahier des missions et des charges de Radio France en la matière ne sauraient suffire et doivent être complétées dans le COM par des objectifs plus concrets. Il considère en effet que ce sujet doit être porté de manière volontariste par le service public, d’autant plus que Radio France a obtenu le Label diversité délivré par l’AFNOR. De manière générale, ce label doit servir de catalyseur pour que le service public soit exemplaire, au-delà même de la gestion des ressources humaines, en termes également de représentation de toutes les composantes de la société française dans les programmes. Lors de son colloque sur la diversité, qui a eu lieu le 6 octobre 2015, le Conseil avait expressément demandé aux médias audiovisuels de concevoir un plan d’actions en matière de diversité. Pour France Télévisions, il s’agira, par exemple, d’inscrire ce plan d’actions en termes d’objectifs dans son nouveau COM. Radio France devrait également s’inscrire dans cette logique.Le Conseil souhaite par ailleurs que les engagements de la Charte visant à favoriser la formation et l’insertion professionnelles des personnes handicapées dans le secteur de la communication audiovisuelle du 11 février 2014, établie sous son égide, trouvent une traduction effective en termes d’objectifs inscrits dans le COM. Au 31 décembre 2014, 183 personnes handicapées étaient employées à Radio France, soit 3,4 % de l’effectif total. Entre 2009 et 2014, ce taux a augmenté de 30 %. Il est important que cette dynamique se poursuive afin de tendre vers l’objectif légal de 6 %.
Recommandation n° 8 :
- proposer un indicateur sur le taux d’emploi des personnes handicapées avec un objectif de 6 % en 2019 ;
- traduire dans le COM le plan d’actions de Radio France en matière de diversité de la société française.
III – Les objectifs relatifs à la gestion de l’entreprise
1. Les éléments financiers et de gouvernance
Alors que la situation financière critique de l’entreprise a été révélée tardivement, la mise en œuvre d’indicateurs de suivi en la matière est essentielle, voire indispensable. Le Conseil prend acte que le projet de COM prévoit des indicateurs cible concernant la masse salariale, le résultat d’exploitation, le résultat net et la trésorerie. De même, le plan prévisionnel sur la période 2015-2019 organise, comme souligné précédemment, une trajectoire financière qui devrait permettre un retour à l’équilibre à l’horizon 2018.
La contribution à l’audiovisuel public, qui représente près de 90 % des ressources d’exploitation de l’entreprise, sera stabilisée sur la période 2015-2017 à 564,2 M€, puis en hausse de 1,5% en 2018 et 2019. Cette augmentation pourrait rester cependant légèrement inférieure à l’inflation actuellement constatée, alors que le montant global de la contribution à l’audiovisuel public payé par les assujettis est indexé sur l’inflation.
L’objectif d’augmentation des ressources propres à l’entreprise devrait être atteint par le développement des activités grand public à la suite de la réouverture au public de la Maison de la Radio, la publicité sur Internet et la location des espaces. Le compte de résultat prévisionnel prévoit une augmentation modérée (+3%) de ces ressources. Cette croissance semble crédible mais est difficile à analyser tant les informations financières communiquées en annexes du projet de COM sont parcellaires.
L’augmentation des ressources propres étant nécessaire au retour à l’équilibre de l’entreprise, le Conseil souhaite que le COM soit complété, dès la fin du premier semestre 2016, par un suivi des prestations payantes telles que les abonnements et les locations d’espaces.
Recommandation n° 9 : mettre en place dès le premier semestre 2016 un suivi des recettes liées aux prestations payantes depuis la réouverture de l’auditorium.
Un plan de financement estimé à 170 M€ est par ailleurs détaillé. La contribution à l’audiovisuel public sur la section investissement sera maintenue à 24,6 M€ sur l’ensemble de la période. En outre, l’Etat s’engage, d’une part, à un soutien exceptionnel sous forme de subvention d’investissement supplémentaire de 25 M€ en 2016, 2017 et 2018 et, d’autre part, à une dotation en capital de 55 M€ en 2016 et 2017. Enfin, Radio France prévoit de souscrire un emprunt d’un montant de 70 M€ sur une durée maximale de 7 ans, dont l’entreprise a prévu de rembourser 25 M€ en 2017, 30 M€ en 2019 et 15 M€ au-delà de la période du COM.
Le Conseil prend acte des moyens financiers exceptionnels engagés par l’Etat notamment pour mener à bien la réhabilitation de la Maison de la Radio. Ce chantier en site occupé s’est révélé très perturbant pour l’ensemble du personnel. Il est ainsi important de respecter la date de livraison du chantier dorénavant prévue pour la fin 2018. Le Conseil d’administration et le personnel devront être pleinement associés au suivi régulier des travaux jusqu’à l’achèvement de ce programme.
Dans ce cadre, l’entreprise devrait retrouver l’équilibre financier en 2018. A cette échéance, la société devrait avoir mis en œuvre les développements stratégiques nécessaires à son développement tout en ayant poursuivi le financement du chantier de réhabilitation de la Maison de la Radio. S’agissant de la gouvernance, le Conseil salue les dispositions qui ont été introduites visant à renforcer le rôle du Conseil d’administration. Conformément aux préconisations de la Cour des comptes, celui-ci sera désormais un organe majeur pour la gouvernance de l’entreprise. Le Conseil d’administration sera dorénavant informé annuellement de l’ensemble des actions engagées par la société publique concernant les modes de production, le maillage du réseau France Bleu et la connaissance des publics. Il conviendrait également d’ajouter le suivi du chantier de réhabilitation.
Le Conseil d’administration sera également étroitement associé au renforcement de l’amélioration de l’information financière notamment sur les questions portant sur la maîtrise du risque et sur l’exemplarité de gestion. Afin que le Conseil puisse pleinement remplir ses missions concernant le suivi des sociétés nationales de programme, il est nécessaire qu’il soit également destinataire de ces documents. En outre, il estime important qu’une date de remise des rapports d’exécution annuelle soit fixée dans le COM.
Recommandation n° 10 : le Conseil souhaite être destinataire de l’ensemble des documents transmis au Conseil d’administration et nécessaires au contrôle que lui confie la loi. Il estime important de fixer une date de remise des rapports annuels portant sur l’exécution des COM.Concernant la mise en place d’une comptabilité analytique telle que préconisée par la Cour des comptes, le projet de COM prévoit le déploiement à l’horizon 2018 d’outils de comptabilité générale et de documents de suivi budgétaire et analytique ainsi que la mise en place de procédures garantissant l’exemplarité de la gestion. Le projet de COM vise également à améliorer la diffusion de l’information financière auprès du personnel de l’entreprise, qui doit être pleinement associé au suivi de l’évolution de sa situation et de son fonctionnement. Il reprend ainsi l’une des préconisations du médiateur de Radio France. En effet, l’amélioration du dialogue social au sein de l’entreprise est une priorité pour Radio France, ce qu’encourage le Conseil.
2. Les ressources humaines
Radio France a mis en œuvre le processus de négociation du Nouvel Accord Collectif. Cet accord viendra remplacer la convention collective actuelle des personnels techniques et administratifs et servira de base à une politique de ressources humaines adaptée aux nouveaux enjeux de l’entreprise et à l’évolution de son environnement concurrentiel. La conclusion de cet accord est une priorité pour Radio France. En outre, la réforme des modes de production devra être examinée pendant la durée de ce COM.
Le Conseil relève que l’objectif de stabilité des effectifs a été supprimé au profit d’une stabilisation des charges de personnel sur l’ensemble de la durée de ce COM. Le suivi des effectifs du groupe, tant pour le personnel permanent que pour les emplois précaires, et pour chaque antenne, reste une priorité dans la mesure où les charges de personnel représentent près de 60 % des charges d’exploitation.
Le présent avis sera publié au Journal officiel.
Fait à Paris, le 27 novembre 2015
Pour le Conseil supérieur de l’audiovisuel :
Le Président,
Olivier SCHRAMECK
Liste des 10 recommandations
La couverture
- Recommandation n°1 : définir la couverture cible pour France Bleu Toulouse et France Bleu Lyon.
- Recommandation n°2 : étudier l’opportunité d’une diffusion outre-mer des antennes nationales de Radio France.
- Recommandation n°3 : préciser le calendrier d’arrêt des ondes moyennes et longues et la nature des opérations de communication au public que ces extinctions impliquent pour inciter les auditeurs qui ne reçoivent pas les services concernés en FM à s’orienter vers d’autres supports.
- Recommandation n°4 : en plus de FIP et Mouv’, étudier l’opportunité d’assurer une diffusion en RNT des autres antennes de Radio France dans les zones où elles ne sont pas présentes en FM et son impact sur le plan d’affaires prévisionnel de Radio France.
Les antennes
- Recommandation n°5 : prévoir un indicateur sur la part des chansons francophones par antenne (par exemple 50 % sur Inter et 35 % sur Mouv’), complété le cas échéant d’un indicateur sur la diversité des titres diffusés.
La cohésion sociale
- Recommandation n°6 : Proposer un nombre de partenariats avec des établissements relevant notamment de la politique de la ville.
- Recommandation n°7 :
- maintenir les objectifs concernant la répartition des femmes par catégorie ;
- fixer un objectif de comblement des postes par des femmes d’au moins 50 % ;
- traduire dans le COM l’objectif de 30 % de femmes expertes dans les émissions d’information et de débat en 2016 pour atteindre 40% à l’échéance de ce COM.
- Recommandation n°8 :
- proposer un indicateur sur le taux d’emploi des personnes handicapées avec un objectif de 6 % en 2019 ;
- traduire dans le COM le plan d’actions de Radio France en matière de diversité de la société française.
La gestion de l’entreprise
- Recommandation n°9 : mettre en place dès le premier semestre 2016 un suivi des recettes liées aux prestations payantes depuis la réouverture de l’auditorium.
- Recommandation n°10 : le Conseil souhaite être destinataire de l’ensemble des documents transmis au Conseil d’administration et nécessaires au contrôle que lui confie la loi. Il estime important de fixer une date de remise des rapports annuels portant sur l’exécution des COM.