Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a été saisi pour avis, par courrier reçu le 19 octobre 2015, par le ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique, d’un projet de décret portant modification du code des postes et des communications électroniques relatif à la libération du deuxième dividende numérique et au déploiement des services mobiles dans la bande 694-790 MHz, dite « bande 700 MHz ».
Après en avoir délibéré le 4 novembre 2015, le Conseil émet un avis favorable avec les réserves suivantes.
Il rappelle, comme il l’a déjà fait à plusieurs reprises, notamment dans son avis n°2015-30 du 30 septembre 2015 sur le projet de modification de l’arrêté du 24 décembre 2001 relatif à la télévision numérique hertzienne terrestre fixant les caractéristiques des signaux émis, que l’échéance, très proche, du 5 avril 2016 impose des contraintes fortes aux acteurs de la télévision numérique terrestre (TNT) sans qu’une étude exhaustive des opérations, des risques afférents ou encore de leurs cumuls n’ait été préalablement conduite.
Pour dégager la bande 700 MHz, et préalablement à son transfert aux opérateurs mobiles, plusieurs opérations techniques sont nécessaires. Il faut, d’une part, arrêter la norme MPEG-2 et généraliser la technologie de compression MPEG-4 sur la plateforme métropolitaine de la TNT, et, d’autre part, arrêter deux multiplex nationaux ; il sera donc demandé aux éditeurs et aux diffuseurs d’éteindre une partie des équipements, dont certains déployés récemment sur l’ensemble du territoire. Ces deux opérations seront accompagnées d’une recomposition de l’ensemble des multiplex, permettant en particulier aux chaînes dont le multiplex s’arrête de retrouver une place sur la plateforme TNT.
Dans un communiqué de presse en date du 15 septembre 2015, la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat indique que « les conclusions du rapport de l’inspection générale des finances (IGF) communiquées aux rapporteurs des deux assemblées reconnaissant l’existence d’un préjudice des opérateurs techniques de diffusion, le Gouvernement a fait part de son intention de rechercher une solution transactionnelle avec les sociétés concernées dans les semaines à venir, le coût de ces conventions ayant vocation à être inscrit dans la loi de finances pour 2016. ». Le Conseil rappelle encore une fois, comme il a pu le faire lors de son avis précité du 30 septembre 2015, qu’il est effectivement essentiel qu’une solution puisse être trouvée au plus tôt avec l’ensemble des parties pour lesquelles un préjudice a été identifié, afin que la migration vers la norme MPEG-4 prévue le 5 avril 2016, ainsi que les autres opérations programmées à cette date (notamment les réaménagements de fréquences en Ile-de-France) puissent se dérouler dans les meilleures conditions. A cet égard, le Conseil relève que la commission de modernisation de la diffusion audiovisuelle (CMDA) continuera de suivre cette question avec attention. De la même manière, le Conseil reste particulièrement préoccupé et vigilant quant à l’avancée de ces négociations entre le Gouvernement et les opérateurs techniques de diffusion.
1° - Sur l’inclusion des coûts supportés par les éditeurs de services audiovisuels, les opérateurs de multiplex ou les opérateurs de diffusion
Le projet de décret exclut explicitement les coûts relatifs au changement de norme de diffusion, de codage, à la modification du format des services de télévision concernés et au regroupement sur une ou plusieurs ressources radioélectriques des éditeurs de services de communication audiovisuelle.
Pourtant, les réaménagements de fréquences nécessaires au dégagement de la bande 700 MHz ne peuvent se faire qu’à la condition préalable du changement de norme de codage vidéo d’une majorité des services de télévision diffusés sur la plateforme ainsi qu’au regroupement de ces services sur six multiplex au lieu de huit. La prise en charge au moins partielle des coûts induits par ces opérations doit être envisagée, ainsi que l’indemnisation des opérateurs de diffusion pour l’arrêt anticipé de ces deux multiplex.
2° - Sur l’accompagnement financier des collectivités locales
Plusieurs centaines de collectivités locales gèrent des émetteurs TNT au sens de l’article 30-3 de la loi du 30 septembre 1986. Tout comme les éditeurs et opérateurs de multiplex, elles devront directement supporter les coûts relatifs aux réaménagements mais également aux adaptations nécessaires à la nouvelle composition des multiplex, voire aux systèmes de codage vidéo et audio retenus pour permettre les changements de normes de compression nécessaires au dégagement de la bande 700 MHz. A ce titre, il convient de s’assurer du soutien financier qui leur sera nécessaire pour l’acquisition d’équipements permettant de réaliser l’ensemble de ces opérations techniques.
De plus, les investissements consentis par ces collectivités dans des équipements permettant la fourniture de l’offre TNT à leurs administrés subiront une dépréciation dès lors que deux des multiplex précédemment diffusés ne le seront plus.
3° - Sur le cumul des risques liés aux différentes opérations prévues dans la nuit du 4 au 5 avril 2016
Les différents arrêtés ou projets d’arrêtés rythmant les opérations du 5 avril 2016 prévoient trois opérations distinctes :
- une opération de changement de codage vidéo et de recomposition des multiplex ;
- une première phase de dégagement de la bande 700 MHz, et donc des réaménagements de fréquences sur une zone incluant essentiellement l’Ile-de-France ;
- l’achèvement du déploiement du multiplex R7 en zone Rhône-Alpes.
Ces opérations doivent être réalisées dans un ordre précis, la réussite du changement de codage et de la recomposition conditionnant le démarrage des réaménagements et des déploiements.
Durant cette nuit, de nombreux experts seront mobilisés afin de modifier plus de cent trente têtes de réseau nationales et régionales pour le passage au tout MPEG-4 et réaliser la recomposition des chaînes sur six multiplex. Une fois les opérations de réaménagements débutées, cette recomposition sera irréversible, puisque les six multiplex réutiliseront alors des fréquences jusque-là affectées aux deux multiplex qui auront été éteints.
Il faudra donc veiller à fiabiliser avec un haut degré de sécurité le changement de codage vidéo et la recomposition des multiplex, avant de débuter les réaménagements. Cette sécurisation de haut niveau induit un surcoût qui doit être pris en charge afin que les opérations sur la ressource radioélectrique puissent être démarrées au cours de la nuit, dans la foulée immédiate des opérations liées au changement de norme et d’arrêt de deux multiplex. Le Conseil souligne par ailleurs l’extrême difficulté à mener à bien l’ensemble de ce chantier dans le laps d’une seule nuit, à la fois dans le respect du code du travail et dans un contexte social difficile pour les acteurs.
Une alternative moins coûteuse et moins risquée consisterait à disjoindre ces opérations en s’assurant, lors d’une première nuit, de la réussite de la recomposition et du changement de codage avant de lancer, lors d’une autre nuit, les réaménagements permettant le dégagement de la bande 700 MHz.
Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 4 novembre 2015.
Pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel :
Le président,
O. Schrameck