Le rachat de Newen par le groupe TF1 et les réactions suscitées autour de cette opération sont un révélateur des nombreuses questions qui se posent au secteur français de la production audiovisuelle, notamment celles de l’équilibre entre productions dépendante et indépendante, de l’intégration verticale ou de la détention des droits.
Cette opération est à réinscrire en premier lieu dans un mouvement européen de concentration et d’industrialisation du secteur de l’audiovisuel dans son ensemble. Par ailleurs, ces mouvements économiques sont eux-mêmes la résultante des bouleversements engendrés depuis une dizaine d’années par la numérisation des contenus, la diffusion par les réseaux haut et très haut débits, la forte appétence des téléspectateurs pour les contenus délinéarisés et leur engouement pour des produits culturels internationaux, dont les séries en sont le parfait reflet. La filière de l’audiovisuel existe et évolue aussi aujourd’hui dans un environnement concurrentiel, immatériel et déterritorialisé, qui redéfinit l’ensemble des règles du jeu.
Depuis 2000, un constat récurrent est posé sur le secteur de la production audiovisuelle française, à la fois dans sa difficulté à se structurer, à se financer, à répondre aux attentes d’un public de plus en plus exigeant, et à mieux s’exporter. Au fil des ans, le dispositif général réglementaire s’est considérablement sophistiqué, rendant extrêmement complexe sa lecture et ses applications. A plusieurs reprises, le Conseil dans différents documents (avis, rapports, études) a d’ailleurs appelé de ses vœux la simplification de la réglementation encadrant le secteur de la production d’œuvres audiovisuelles.
Soucieux de comprendre les transformations et les nouveaux défis du secteur pour mieux l’accompagner, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a donc décidé d’engager en 2015, dans le cadre du groupe de travail « Economie de l’audiovisuel » présidé par Nathalie Sonnac associé au groupe « Création, production audiovisuelle et cinématographique, musique et évolution des programmes » présidé par Francine Mariani-Ducray, un état des lieux économique du secteur de la production de programmes télévisés. Cette étude s’appuie sur des indicateurs qui renseignent sur la structuration du secteur. Elle allie des données quantitatives issues de différentes sources chiffrées et des données qualitatives nées d’un cycle d’auditions et de rencontres menées entre juin et novembre 2015. Au total, 23 acteurs du secteur (entreprises techniques, entreprises de production, entreprises d’édition) ont été entendus.
Le Conseil a ainsi choisi de renverser l’approche traditionnelle et sortir du prisme purement juridique pour tenter d’appréhender l’économie au global du secteur (production aidée et non aidée, programmes de flux et de stock). Il a cherché à mieux comprendre sa structuration (nombre d’entreprises, taille d’entreprises, statut juridique), à évaluer sa santé économique (chiffre d’affaires, nombre d’emplois, croissance) et ses conditions de développement national et international (environnement concurrentiel). Cette démarche a vocation à être pérennisée et conduire à une étude économique annuelle.
Le secteur de l’audiovisuel est un secteur puissant, créateur de richesses, d’innovations et d’emplois. À partir de cette étude inédite dans son approche et qui constitue une première étape, le Conseil espère lui fournir de nouveaux outils et des éléments d’analyse et participer ainsi de la transformation des relations producteurs-diffuseurs en un modèle « gagnant – gagnant ».