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Position du Conseil supérieur de l’audiovisuel sur la proposition de la Commission européenne visant à réviser la directive « Services de médias audiovisuels » - 2016

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Le CSA salue la proposition de la Commission européenne visant à réviser la directive Services de médias audiovisuels (SMA). Dans la phase de préparation de cette proposition, l’apport du Groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels (ERGA), créé sous l’impulsion d’Olivier Schrameck qui en a assuré la présidence de 2014 à 2015, a été décisif. Tout en préservant les fondamentaux de la directive actuelle, la proposition de la Commission apporte, selon le CSA, des éléments de réponse à trois sujets essentiels :

 

1. elle explicite l’obligation d’indépendance des régulateurs audiovisuels au sein de la directive, reprenant ainsi les conclusions de l’ERGA sur le sujet. Le CSA considère que la proposition formulée par la Commission permet une conciliation appropriée de la nécessité de garantir l’indépendance des autorités de régulation et du respect de la diversité des systèmes juridiques et institutionnels nationaux ;

2. elle tente de limiter les effets d’asymétrie réglementaires au sein de l’UE, par l’instauration d’un quota minimal d’exposition d’œuvres européennes et la possibilité pour les Etats membres d’imposer des contributions au financement de la création à l’ensemble des SMAD qui ciblent leur territoire ;

3. elle vise à assurer des conditions de concurrence équitable entre tous les acteurs du secteur audiovisuel, par l’extension du champ d’application de la directive aux plateformes de partage de vidéos et le relèvement des exigences en matière de protection des mineurs et de promotion des œuvres européennes sur les SMAD ;

 

Si ces points constituent des progrès indéniables, certaines des propositions de la Commission appellent encore des modifications ou des précisions :

 

  • L’extension du champ matériel de la directive nécessite d’être renforcée (articles 1, 28a, 28b)

Le CSA accueille favorablement, dans son principe, l’extension du champ d’application de la directive aux plateformes de partage de vidéos proposée par la Commission. Est ainsi reconnu le rôle actif de ces plateformes dans l’organisation des contenus. Le Conseil regrette cependant que les autres intermédiaires présents dans la chaîne de valeur, tels que les fournisseurs d’accès à internet, les fabricants de terminaux, les magasins d’applications, les éditeurs de systèmes d’exploitation, les réseaux sociaux ou encore les moteurs de recherche ou de recommandation, ne soient pas pris en compte et que ces obligations ne concernent que la protection des mineurs et la lutte contre l’incitation à la haine et à la violence, à l’exclusion de tout autre objectif (diversité culturelle, financement de la création ou encadrement des communications commerciales). Le CSA souligne également que la définition qui est donnée des plateformes de partage de vidéos soulève des questions quant à son périmètre.

 

En outre, les règles extrêmement complexes de détermination de l’Etat membre compétent pour les plateformes de partage de vidéos proposées par la Commission risquent de limiter fortement l’efficacité de la co-régulation proposée. Elles ont en effet potentiellement pour conséquence de confier cette co-régulation à un nombre restreint d’Etats membres, où ces plateformes se seraient établies essentiellement pour des motifs d’optimisation fiscale. Le CSA demande donc que les autres Etats membres dont les publics sont visés par une plateforme de partage de vidéos puissent également être associés à la régulation de celle-ci via un mécanisme de coopération institutionnalisé au sein de l’ERGA.

 

Le CSA estime enfin souhaitable de mieux préciser le régime applicable aux plateformes de partage de vidéos ne relevant pas de la compétence d’un Etat membre mais ciblant (ou étant reçues dans) un ou plusieurs Etats membres.

 

  • Les amendements au principe du pays d’origine restent à compléter (articles 2, 3, 4, 13)

S’il salue les avancées proposées par la Commission sur l’application des règles du pays ciblé pour les contributions financières dans le cadre de la promotion des œuvres européennes, le CSA regrette que cette disposition ne vise que les SMAD et concerne uniquement les contributions à la production. Le CSA considère qu’il est important de garantir à l’ensemble des opérateurs l’exercice d’une concurrence saine et effective, et qui limite les effets des stratégies de contournement de la réglementation. Dans ce but, le CSA propose que la directive permette effectivement l’application des règles du pays de réception aux services qui ciblent celui-ci spécifiquement. Cette proposition ne vise pas à remettre en cause le principe du pays d’origine, mais à ne pas méconnaître l’esprit de la directive permettant à un Etat membre d’appliquer les règles plus strictes qu’il a définies à un fournisseur de services s’adressant spécifiquement à cet Etat membre. Par ailleurs, le CSA prend note des compléments apportés par la proposition de la Commission à la procédure « anti-contournement ». Il regrette toutefois que cette procédure, qui ne s’applique qu’aux services linéaires, ne fasse pas l’objet d’une simplification suffisante pour être rendue pleinement opérationnelle et ne soit pas étendue aux SMAD.

 

  • La reconnaissance de l’ERGA est bienvenue, mais ses modalités restent à préciser (article 30a)

Le CSA se félicite de la reconnaissance que la proposition de la Commission accorde à l’ERGA, deux ans après sa création en février 2014, avec la consécration de l’existence du groupe dans la directive et des missions élargies. Le CSA souligne en outre la nécessité pour l’ERGA de demeurer un groupe indépendant et de haut niveau. Il estime par ailleurs que le groupe, parce qu’il est constitué de régulateurs indépendants, doit pouvoir continuer à décider lui-même de son règlement intérieur et que cette compétence ne saurait appartenir à la Commission.

 

  • Les allègements des règles relatives aux communications commerciales sont excessifs (articles 9, 10, 11 et 23)

Le CSA rappelle son attachement aux règles actuelles en matière de communications commerciales, dont il considère qu’elles sont adaptées et proportionnées à l’objectif de protection des consommateurs, tout en permettant un développement économique équilibré des opérateurs. Les assouplissements proposés par la Commission en matière de communications commerciales sont susceptibles de provoquer une dépréciation des tarifs publicitaires et donc de nuire à l’équilibre économique du secteur, tout en affaiblissant le niveau de protection des téléspectateurs. La proposition de la Commission, dans le cadre de cette directive visant à une harmonisation minimale, risque d’accroître encore l’asymétrie de régulation déjà existante entre les Etats membres et les opportunités d’optimisation fiscale et réglementaire (forum shopping).

 

  • Le renforcement des règles sur la promotion des œuvres audiovisuelles européennes est positif mais doit être plus ambitieux (article 13)

Le CSA salue la volonté de la Commission de renforcer le dispositif de promotion des œuvres européennes sur les SMAD, mais considère que le niveau d’harmonisation proposé est minimal et peu ambitieux. Le dispositif actuel sur le linéaire prévoit la diffusion d’un pourcentage minimum de 50% d’œuvres européennes. Les services linéaires et non-linéaires se trouvant de plus en plus en situation de concurrence, il serait approprié d’appliquer des taux proches, si ce n’est harmonisés, sur les deux types de services. Cela permettrait également de limiter les asymétries de régulation à l’échelle européenne.

 

Concernant l’obligation de mise en avant (prominence), le CSA demande que l’obligation introduite par la proposition soit précisée ou, à tout le moins, que des exemples concrets soient donnés. Le CSA se félicite par ailleurs de l’ouverture proposée par la Commission sur l’application des règles du pays ciblé sur les contributions financières, regrettant toutefois que cette disposition ne vise que les SMAD. Il conviendra en outre de s’assurer que les critères prévus par le considérant 23 pour identifier le ciblage soient adaptés, précis et véritablement opérationnels : la liste prévue devrait ainsi être précisée pour comprendre l’origine géographique des revenus, publicitaires ou issus des abonnements. Enfin, le CSA approuve l’initiative de la Commission consistant à mettre en place des seuils d’exemption aux quotas de catalogue, en faveur des petits SMAD et des SMAD de niche. A ce titre, le CSA relève toutefois les difficultés posées par le critère proposé de l’audience : il est en effet difficile de mesurer l’audience réelle d’un service à la demande, souvent proposé sur de nombreux supports. En outre, les critères européens de définition des petites et micro-entreprises prévoient des seuils très élevés (50 employés et 10 M€ de chiffre d’affaires annuel pour une petite entreprise), qui ne semblent pas pertinents dans le contexte de l’économie numérique, où une entreprise de petite taille peut avoir un impact important.

 

  • L’harmonisation des dispositions en matière de protection des mineurs reste imparfaite (articles 6a, 12 et 28a)

Le CSA salue la création d’un corps unique de règles visant à protéger les mineurs, ainsi que le renforcement du niveau de protection sur les services à la demande. Toutefois, le Conseil s’inquiète du fait que ce renforcement s’accompagne de la suppression de l’interdiction des contenus les plus nuisibles qui existait jusqu’à présent sur les services linéaires. Pour ce type de contenus, la proposition de la Commission prévoit en effet le passage d’un régime d’interdiction totale sur les services linéaires à celui d’autorisation sur tous les services sous réserve d’un encadrement strict : ces contenus devront en effet être soumis aux mesures les plus strictes. Il est à noter que la liste indicative de ces mesures figurant à l’article 12 ne prévoit pas l’interdiction.

 

  • Les aménagements concernant la procédure de dérogation à la liberté de réception et la définition de l’incitation à la haine se révèlent insuffisants (articles 3 et 6)

Le CSA réaffirme l’opportunité de maintenir un dispositif d’entrave ciblé et proportionné, afin de limiter les atteintes possibles au droit fondamental de la liberté d'expression. Il regrette toutefois qu’il ne soit pas explicitement fait référence à la lutte contre l’apologie du terrorisme et l’incitation à la commission d’actes terroristes, qui n’est pas réductible à l’incitation à la haine.

Le CSA prend acte des modifications proposées par la Commission sur la procédure de dérogation à la liberté de réception. A ce titre, le Conseil accueille favorablement les précisions apportées, et notamment l’alignement des motifs et des procédures relatifs aux services linéaires et non-linéaires. Le Conseil regrette toutefois que la liste de ces motifs ne fasse plus référence à la dignité humaine.

Le CSA estime enfin souhaitable que l’article 6 conserve une référence à la nationalité s’agissant des incitations à la haine et à la violence et ajoute une mention relative aux discriminations.

 

  • L’absence de révision des critères techniques de compétence est regrettable (article 2§4)

Le CSA regrette que la proposition de la Commission ne traite pas à ce stade des critères secondaires (dits aussi « techniques ») permettant d’établir la compétence d’un Etat membre sur les services extra-européens. Dans sa réponse à la consultation sur la directive SMA, le CSA invitait en effet la Commission à analyser la possibilité d’adopter comme critère unique la nationalité de la capacité satellitaire concernant les critères de détermination de l’Etat membre compétent pour les chaînes extra-européennes diffusées par satellite dans l’Union. Le CSA demandait également l’inclusion, dans le champ d’application de la directive SMA, des services diffusés depuis des pays tiers par d’autres moyens que le satellite, et qui ciblent spécifiquement l’Union.

 

  • Sur la suppression des dispositions relatives à l’accessibilité aux personnes handicapées (ancien article 7)

De manière générale, le CSA se prononce en faveur de la poursuite de l’harmonisation des règles sur l’accessibilité au sein de l’Union, quel que soit le véhicule législatif privilégié. Si le renvoi à une directive horizontale était privilégié, il conviendrait que ce texte ne marque pas un recul par rapport aux dispositions de la directive SMA. S’il semble difficile, notamment en raison des coûts, d’exiger de l’ensemble des services de médias audiovisuels de permettre l’accès à tous leurs programmes aux personnes souffrant d’un handicap visuel ou auditif, le CSA propose néanmoins que la législation européenne interdise toute aide financière aux œuvres non sous-titrées et non audio-décrites. Par ailleurs, le Conseil estime que la réglementation européenne devrait laisser une marge de manœuvre aux Etats membres pour prévoir des obligations afin d’intégrer les éléments nécessaires permettant l’accessibilité des programmes tout au long de la chaîne audiovisuelle, ainsi que des échéanciers afin de permettre une mise en œuvre uniforme au sein de l’Union européenne.

 

  • Sur la modification de la définition d’ « œuvre européenne » dans le cas d’accords bilatéraux de coproduction entre Etats membres et Etats tiers

Pour qu’une œuvre soit considérée comme européenne, la directive implique actuellement une participation majoritairement européenne au coût total de production et que la production ne soit pas contrôlée par un ou plusieurs producteurs établis en dehors du territoire des États membres. Les films coproduits dans le cadre d’un accord de coproduction avec un Etat tiers ne peuvent donc a priori être reconnus comme européens si leur financement n’est pas majoritairement européen ou si la production est contrôlée par un ou plusieurs producteurs établis en dehors du territoire des Etats membres.

Si le Conseil approuve les objectifs poursuivis par la directive en la matière, il s’interroge cependant sur la nécessité d’une meilleure conciliation entre ces objectifs et ceux poursuivis par les Etats membres dans le cadre d’accord bilatéraux de coproduction avec des Etats tiers, afin, en particulier, d’élargir l’accès des producteurs européens aux financements extra-européens.

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